Redéfinition du concept de progrès

Salutations


Après avoir vu cette image https://www.thechangebook.org/photo/98172/mayalu-t... postée par Chico, l'évidence de la nécessité de discuter le sens du terme progrès s'est imposée.

Depuis longtemps déjà il y a une confusion, un amalgame fait entre tous les progrès, ce qui pousse à considérer le refus de n'importe lequel d'entre eux comme un refus de tous ; le plus flagrant est bien évidemment le rejet d'une possibilité technique vu comme un rejet du progrès sociétal, le barrage de Sivens est un exemple, la déforestation de l'Amazonie en est un autre : les opposants sont traités comme des passéistes. ("Le nucléaire ou la bougie")

Les chancres de la "modernité" se servent de l'amalgame fait entre les progrès pour leurs propres intérêts, prônant l'édification ou la destruction (du droit comme de la nature)d'une façon si ce n'est aveugle, au moins borgne : l'évolution technologique et sa mise en œuvre ne doivent connaitre aucun frein car elles sont synonymes d'évolution bénéfique pour la société.

Cette confusion se retrouve aussi bien dans les idéologies de droite que de gauche et s'y ancre faute de débat sur le véritable sens du mot progrès et de celui qui a tendance à le remplacer, modernisation.

Je finirais en précisant que je n'ai pas d'intervenant à proposer, juste un sujet et une référence (Le sens du progrès par Taguieff http://www.parutions.com/pages/1-6-366-4564.html )
La dynamique de Progrès des Modernes a révélé tous ses vices, abondamment raillés : "on n'arrête pas le progrès, parce qu'il faut toujours un nouveau progrès pour remédier aux dégâts et aux inconvénients du précédent".
La Dégradation systémique et écologique s'est révélée comme la face obscure du Progrès des Modernes. Maintenant, si on veut conserver au mot Progrès son sens positif et rassembleur communément admis, ce que propose Mayalu Txucarramãe, oui, il est nécessaire de le préciser et de le redéfinir.

Communément, un progrès est un changement valorisé positivement, une innovation, une invention qui résout un problème, une amélioration de l'état d'un système ou d'une partie d'un système. Il se distingue du recul, de la conservation et à la dégradation. Le recul est un retour à un état passé, la conservation vise le maintien sans changement, et la dégradation désigne un changement valorisé négativement, un dérèglement ou une modification qui empire l'état d'un système ou une partie d'un système.

Quand Mayalu Txucarramãe nous demande de redéfinir le progrès, il le fait par rapport à la nécessité de s'opposer à la poursuite de la Dégradation, revers de la médaille du Progrès moderne.

La nouvelle définition du progrès, qui émerge de l'épistémologie systémique et de la perception des risques environnementaux, pourrait être la suivante :

Un progrès est un changement valorisé positivement parce qu'il remédie au processus de dégradation accéléré et aux déterminismes catastrophiques des dynamiques dominantes du système global.

Mais quand en Occident les "forces progressistes" sur le plan politique et sociétal se positionnent en terme de Progrès, elles le font souvent encore et toujours par rapport au Recul et au Conservatisme, leurs ennemis politiques traditionnels de la Modernité.

Cependant, le système a muté, et ce qui était important hier, tend à devenir secondaire, et même plus inconfortable encore, des ennemis séculaires chargés de reproches mutuels se retrouvent mués en alliés objectifs pour les nouvelles luttes à conduire en faveur d'un "progrès de l'humanité" version 2.0.

Beaucoup dépendra de leur perception des nouveaux enjeux du Progrès post-moderne, dont le principal, l'enjeu anti-catastrophique.

Nous avons énormément avancé dans notre capacité à produire toute sorte d'artefacts, mais avons-nous suffisamment avancé dans le domaine de l'éthique pour que l'utilisation de ces artefacts soit réellement vecteur de progrès pour l'ensemble de l'humanité ?


Tu es en plein dans le noeud du problème : progrès technique et progrès éthique sont deux choses terriblement distinctes dans les faits hélas, dans l'inconscient occidental et néanmoins collectif, réunies dans le discours "scientiste" qui nous anime, nous les occidentaux, depuis deux bons siècles.

L'accès aux technologies est, pour nous, synonyme de mieux-être. L'eau courante, les égouts, le gaz de ville, l'électricité, toutes ses choses et d'autres encore, le moteur à explosion et l'imprimerie par exemple, ont bouleversé la vie des européens d'une façon (dans l'ensemble) bénéfique, au point que nous avons appris à négliger le besoin de nous interroger sur la technique et de lui faire une confiance quasi aveugle pour imposer des progrès sociétaux.

L'aveugle confiance en internet peut être un exemple frappant, beaucoup le présente comme le moyen merveilleux d'éduquer les masses et de les faire accéder au savoir. Encore faut il qu'elles sachent lire, qu'elles soient dotés des infrastructures et du matériel leur permettant d'accéder au réseau, qu'elles aient les moyens de les entretenir ou de les faire entretenir, etc. Penser qu'internet seul, sans choix assumé par la collectivité, peut "élever" l'humain revient à penser que Gutenberg a appris à lire au monde seulement en fabricant son imprimerie et à mettre de côté les luttes politiques qui furent et restent nécessaires pour que l'éducation soit ouverte au plus grand nombre.

Cette pensée parcellaire ou plutôt d'amalgame prend sa source dans le boom technique du XIX qui se poursuit encore aujourd'hui ; les avancées ont été si nombreuses et puissantes que la nécessité de penser la société est passée au second plan(1), les technologies à elles seules, par leur fabrication toujours plus rapide et leur efficacité toujours plus grande, ont permis de rêver à un monde où la technologie est l'essence des progrès, bien aidé par le capital qui pouvait en tirer d'énormes bénéfices l'amalgame est devenu confusion au point qu'aujourd'hui les gens de gauche peuvent, sans penser une seconde trahir leurs idéaux, exhorter à la construction de barrages ou à la recherche de gaz bitumeux. Pour eux ce progrès technique entrainera "mathématiquement" un progrès sociétal. (On pourrait/devrait débattre conjointement de la croissance et de ce qui s'y rattache : croissance= moins de pauvreté, moins de maladies, etc.)

(1) Le bouquin de Taguieff est truffé de fols espoirs exprimés par des vrais durs de la gauche extatiques devant le futur doré que les machines vont offrir à l'humain...


Notre civilisation en déclin n'a-t-elle pas besoin de rééquilibrer le rapport entre le matériel et, disons, le spirituel (vision du monde) pour pouvoir progresser ?

Nous avons, à minima, besoin d'accepter de nous penser en tant que collectivité et d'agir en tant que telle. De considérer les technologies et les savoir-faire comme des biens communs devant être mis au service du plus grand nombre. Cela passe sans doute par une profonde réflexion sur nous mêmes, je suis réticent à l'idée de la nommer spirituelle comme philosophique mais je la réclame tout de même.
Un article est paru récemment sur Actualutte évoquant aussi ce sujet :

"PROGRÈS TECHNO SCIENTIFIQUE ET REGRÈS SOCIAL ET HUMAIN" (Issu de "Pièces et Main d’œuvre")
http://actualutte.com/progres-techno-scientifique-...
« Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas. Le sage enseigne par ses actes, non par ses paroles. »

Un article est paru récemment sur Actualutte évoquant aussi ce sujet :

"PROGRÈS TECHNO SCIENTIFIQUE ET REGRÈS SOCIAL ET HUMAIN" (Issu de "Pièces et Main d’œuvre")
http://actualutte.com/progres-techno-scientifique-...
Je crois que je l'avais lu et oublié...
L'auteur dénonce un extrémisme et propose d'en adopter un autre... La technologie n'est aucunement responsable de ce que nous en faisons, avec un bâton on peut tirer le miel ou fracasser un crâne, avec une machine-outil on peut mettre des gens au chômage ou diminuer le nombre d'heures, avec du charbon on peut fournir de l'électricité en masse pour des gadgets ou on peut chauffer un nourrisson, avec une radio on peut communiquer sur les champs de bataille ou prévenir une population de l'éminence d'une tempête, etc.

Chaque outil peut servir de nombreux desseins, le véritable problème ce ne sont pas les outils dont nous disposons mais ce à quoi nous les employons, la manière dont nous les employons. Appeler à se débarrasser de toutes les technologies comme le fait l'auteur est une folie, pas seulement parce que beaucoup nous sont extrêmement utiles, aussi car cela donne du grain à moudre aux débiles qui usent de formules comme "djihadistes verts".

Je parlais à Miyette du manque d'alternatives sérieuses, du grotesque d'opposer capitalisme au seul survivalisme, ce texte est un exemple type de ce que je regrette : Une pensée réactionnaire au service de la Nature. La soumettre à l'humain est un crime alors nous devons nous soumettre à elle... Pas d'équilibre à trouver, de balance à faire entre les désirs/aspirations et les possibilités, non. Juste la domination de l'un ou de l'autre... Balayer les derniers siècles exactement comme l'ont fait les scientistes dénoncés et cela au nom d'un progrès tout moral.

Je ne l'ai pas vu appeler à se débarasser des technologies.

Il ne dit pas texto "il faut se débarrasser des technologies" mais il le fait très bien comprendre.

"Chaque progrès de la puissance technologique se paye d’un regrès de la condition humaine et de l’émancipation sociale. C’est désormais un truisme que les machines, les robots et l’automation éliminent l’homme de la production et de la reproduction. Les machines éliminent l’homme des rapports humains (sexuels, sociaux, familiaux) ; elles l’éliminent de lui-même. A quoi bon vivre ? Elles le font tellement mieux que lui."

"Chaque progrès". Je ne vois aucune nuance là dedans, rien qui appellent à faire un tri dans le superflu et le nécessaire, entre le nuisible et le bénéfique, juste une condamnation sans appel.

"Les machines éliminent l'homme des rapports humains" En lisant cela, je comprends : "L'humain n'a aucune responsabilité, la machine détruit la société", d'où je conclue que les machines sont un mal, pas certaines machines ni certaines utilisations de la machine, les machines en tant que catégorie.



J'ai pas compris ce que tu veux dire.
Faisant partie de la nature, nous sommes forcément "soumis à elle". Elle a ses propres mécanismes extrèmement complexes qu'il nous est absolument impossible de maîtriser, nous croyons le pouvoir dans notre immense orgueil, mais on fait de très grosses conneries.


Je ne parle pas de la maitriser, juste de vivre en tant qu'humains : c'est grâce à la technique (et à l'entraide bien sûr) que l'humain, sans griffes ni dents dangereuses, ni puissance physique particulière a pu survivre et se développer. Aussi rudimentaire qu'elles puissent paraître à l'heure des missiles intercontinentaux et des drones, les sagaies des Indiens sont malgré tout le résultat d'un savoir faire, elles réclament des outils, etc. Le fusil, pour rester dans le domaine de la recherche de nourriture, est le résultat d'autres savoirs faire et réclament d'autres outils.

Pour la nature devons nous arrêtez de travailler le fer? Pour moi c'est non, sans hésitation. Devons nous faire un meilleur usage du fer et des outils déjà réalisés avec? Pour moi c'est oui, sans hésiter. Et la Nature n'y est pas pour grand chose... Je suis plus poussé par l'envie d'éviter d'avoir des frères et sœurs envoyés dans les mines et par celle d'éviter de vivre dans un dépotoir que par autre chose.(1)

Nous devons nous adapter à notre milieu et en tenir compte, pas nous y soumettre. Ici il est question, pour moi, d'avoir une maison (hutte, cabane ou autre) plutôt qu'un arbre creux ou une grotte pour abri, de faire une canalisation ou un puits plutôt que de devoir faire des kilomètres pour trouver de l'eau, etc. On peut très bien vivre sans, je ne vois aucune raison de se l'interdire pour autant. Entre saccage sans vergogne et abstinence, il y a la modération.

De plus toutes les interventions humaines ne sont pas nuisibles(2). Une forêt dont on enlève des arbres peut se renouveler ; en cassant l’hégémonie des conifères on donne une chance à d'autres végétaux qui ont une importance pour la biodiversité (je ne suis pas expert mais les "fleurs" de sapins ne doivent pas convenir à toutes les alimentations et même sans cela, leurs épines bloquent toute vie à leurs pieds) ; en faisant du pâturage on favorise également les plantes plus faibles, souvent celles qui se "fatiguent" à donner des fleurs et on donne un coup de pouce à tous les insectes ; en prenant soin des cours d'eau on peut éviter que l'eau stagne et devienne "irrespirable" ; etc.

Le jour où l'impression 3D sera disponible dans chaque communauté, nous pourrons développer une industrie artisanale contrôlée par la population (quartier, village...)


Pourquoi attendre qu'une nouvelle technologie se répande alors que nous avons des milliers d'usines et de machines déjà disponibles? Et assez de métaux et de plastiques pour couvrir le monde d'outils! Réapproprions nous celles qui sont déjà là et mettons les au service de l'Humanité, faisons les construire les outils nécessaires à l'émancipation de chaque communauté. Si nous pensons l'industrie hors du marché, comme un simple moyen d'entraide, pas une source de profit, une immense partie de son impact sur la planète s'envolera.

Le métier à tisser est un élément essentiel du début de l'industrialisation, il a permit aux capitalistes de faire des fortunes, pour autant il ne faut pas refuser de l'utiliser... Il faut que l'on comprenne que le moyen n'est pas forcément la fin dans laquelle il a servi. On est frappé du syndrome d'Hitler dès qu'on en parle... "Le capital s'en sert donc c'est mal" Des "paquebots" hôpitaux sortis des chantiers navals de Saint-Nazaire qui parcouraient les grands fleuves d'Am sud et les côtes sud asiatiques, je trouve que ça a de la gueule... Des drones israéliens qui pourraient aller chercher un bédouin au cœur du désert pour l'amener à un dispensaire aussi... (3)

1) Oui, pour moi il n'y a que les sentiments qui sont hors de notre champs de compréhension ; oui, ce sont les seules choses qui nous sont supérieures.

(2)Risque de conneries de niveaux 3... Je ne me passionne pas pour la nature et ça risque de se sentir.

(3)Je commence à délirer, non?

L'article s'intitule "PROGRÈS TECHNO SCIENTIFIQUE ET REGRÈS SOCIAL ET HUMAIN". Cela suppose qu'il existe un progrès qui ne serait pas techno-scientifique. Peut être est-ce de ce progrès que nous devrions parler, vu que pour la plupart il semble que le progrès ne puisse être que techno-scientifique.


Pour moi la raison d'être de ce débat est de séparer dans le vocabulaire, dans l'imaginaire et dans la pensée des choses déjà séparées dans les faits : le progrès technologique et les progrès sociétaux.

Je ne sais pas si la meilleure manière d'y arriver est de n'aborder que l'évolution des mentalités, de la conception du monde, j'ai même des doutes sur la portée d'une telle façon de faire. Je crains que cela n'enferme le débat dans des sphères intellectuelles, que cela tourne au débat purement philosophique ce qui pourrait rebuter certain(e)s et nous plonger, sans que nous le remarquions, dans une certaine stérilité.

Nous abordons un problème on ne peut plus matériel, peu importe par quel bout nous le prenons (que ce soit les dégâts environnementaux qu'a entrainé et entraine encore cette vision unidimensionnelle, le sur-dimensionnement des unités de production qu'elle nécessite, les améliorations du quotidien qu'ont attribue faussement au seul progrès technologiques et ceux qui sont réels, les avantages dont on ignore/minore le coût, etc), il nous faut garder le matériel au centre de la discussion, à mon avis, et débattre sur la place qu'il occupe, la remettre en cause, chercher à la réduire, à en limiter l'impact sur nos vies comme sur notre milieu.


Il est indéniable que la techno-science n'est pas à la portée du commun des mortels, elle est utilisée par des corporations dont le but n'est pas de faciliter la vie humaine, mais de faire des bénéfices. Ce qui est produit n'est donc pas forcément un "progrès" mais une manière de concentrer les richesses.


Je pense qu'il y a deux points à aborder pour répondre à ces remarques.

D'abord quoi que nous fassions nous ne vivrons pas dans une société d'égaux, si ce n'est en droit (devant la Loi s'entend), le reste du temps nous ne pouvons être que des semblables, des humains aussi proches l'un de l'autre que différents les uns des autres... Par nos sensibilités, nos savoir-faire, nos résistances, nos capacités nous sommes tous uniques, c'est une force.
Proudhon disait qu'il fallait des artistes pour les travailleurs, qu'ils n'avaient pas forcément à accomplir des tâches à l'usine ou aux champs pour être utiles à la société, la seule condition qu'il posait à leur intégration à la communauté était qu'ils ne fussent pas mieux traités que les autres en vertus de leurs capacités à émouvoir. Artistes ou paysans, un même traitement. L'un nourrit le corps, l'autre l'âme, aucun n'est au dessus ou en dessous.
Que l'ingénieur, l'expert en code informatique, le physicien existent cela ne me dérange pas(1), ce qui me dérange c'est qu'ils soient traités comme des barons parce que leurs tâches sont jugées supérieures. Qu'on réponde à leurs besoins comme à ceux du valet ou de l'éboueur.

Ensuite le fait que des corporations aient privatisées des technologies ne signifie pas que ces technologies soient irrémédiablement viciées. Prenons (au hasard)l'exemple d'un aéroport, tout y est fait pour que le flux de passagers soit fluide est que le commerce du voyage soit florissant, les avions qui s'y posent ne sont conçus que pour allier rentabilité et donner envie au voyageur de revenir. On peut pourtant imaginer un aéroport repris par la communauté où se posent des ULM et des dirigeables conçus pour emporter le maximum de personne ou de produits avec le minimum d'énergie, où les voyageurs et compagnies (SCOP, assoc' ou autres) payeraient en matières premières nécessaires à l'entretien des pistes. (2)


C'est comme cela que j'entends ce texte, l'évolution technologique doit être accompagnée d'une réorganisation sociale du travail et de la distribution des richesses. C'est certainement dans ce sens qu'il faut repenser le "progrès".


Ce texte ne me paraît pas contenir cette thèse à laquelle j'adhère totalement, je n'ai jamais défendu autre chose.


la responsabilité ne revient pas aux machines (comment pourraient-elles être responsables ?) mais bien aux humains qui les construisent et les utilisent sans se rendre compte des "effets colatéraux". Encore une fois, l'évolution technologique modifie la société, il serait donc normal qu'elle s'accompagne d'une évolution de nos rapports sociaux.


Exact et, malheureusement, cela n'apparait pas dans le texte, il n'y a pas d'appel à réfléchir sur le rapport à la technologie, à trier le grain de l'ivraie. En le lisant je pensais à un ami avec lequel j'avais eu nombre de discussions enflammées dont une sur la démocratie et internet : pour lui il ne fallait pas se donner la peine de relier les gens vu qu'on peut très bien vivre sans réseau, je lui rétorquais qu'une telle avancée serait un pas immense vers la réalisation de la démocratie (pas à suivre un débat oral haché et souvent "sophistisé", possibilité de chercher des infos à loisir avant de se prononcer, possibilité de multiplier les questions et d'utiliser l'outil informatique pour synthétiser, etc.). En retour je n'avais pas vraiment d'opposition, juste un refus de la technologie comme forcément accessoire, futile et débilitante...


Notre "progrès" actuel n'est-il pas le grand responsable de la terrible crise environnementale que nous subissons ?


Je pense encore à cet ami... Dès que je défendais l'idée de ne pas vivre comme en 1840 dans une petite ferme isolée avec juste le nécessaire pour assurer sa subsistance, je devenais un défenseur du grand capital, un partisan du barrage des trois gorges et le responsable du futur Tchernobyl...

Oui le progrès tel qu'il est admis est responsable de cette crise... Est ce qu'il n'y a pas d'alternative entre tous vivre en forêt et bouffer du pétrole au petit déj? Non...

Pour moi c'est une bonne chose d'avoir des cabinets dentaires, des routes, des véhicules, le téléphone, internet et du chauffage. Est ce que je bousille la planète pour les obtenir pour autant, non, je ne pense pas. Mon pc est d'occaz, je l'ai depuis 5, 7 ans, j'ai pas de voiture, je ne suis aucune mode, je balance pas de bouffe... Je n'ai pas zéro impact bien évidemment mais je vis, c'est dur d'apporter à la planète en même temps...


Hummmm, une forêt dont on enlève trop d'arbres ne peut pas toujours se renouveler (voir : https://www.thechangebook.org/blog/1564/lamazonie-... )
Si la nature a créé une forêt de conifères, il ya d'énormes chances pour qu'elle ait créé tout l'éco-système qui va avec.
Une forêt est un système vivant complexe : les arbres bien sûr, mais aussi les sols, l'eau, le climat, la faune (dont l'humain)....
Le problème des patûrages, c'est aussi le pietinement des sols, pour ne citer qu'un effet néfaste.
Évidemment, tout cela dépend des particularités de chaque éco-système.

Trop... Quand je parle de couper des arbres je pense à ma pauvre petite échelle de gars qui coupe le bois que lui désigne le service des forêts. (cf ci dessus la remarque sur Tchernobyl)

La mangrove ne crée pas une acidité qui lui est nuisible?

Je disais ça en pensant au bout de forêt à dix mètres de chez moi, non entretenu, il n'y a rien qui y pousse sauf les pins (ou sapins, j'en sais rien de quelle(s) essence(s) il s'agit), il n'y a qu'eux et un tapis de leurs aiguilles.


Les milliers d'usines que nous avons ne peuvent pas toutes être utilisées à une échelle locale, c'est à dire par toi et moi, et demandent souvent une logistique incompatible avec une réduction sérieuse des gaz à effet de serre (pour ne citer qu'un exemple). Ces usines ont été pensées pour faire de l'argent, pas pour régler les problèmes des populations (et de l'environnement).
Mais il y en a en effet un certains nombre que nous pourrions (devrions) nous réaproprier.
Il nous faut redévelopper les économies locales pour atteindre l'autosuffisance et diminuer les gaspillages (notamment d'énergie avec les transports)


Mieux gérer l'énergie je comprends tout à fait, j'avoue que j'ai du mal à comprendre pourquoi tout devrait être localisé et en autosuffisance. Qu'on envoie pas des fruits de Californie dans le Sahara ok, qu'on érige en obligation de cesser les échanges, par exemple, sur la Méditerranée ça me parait contre-productif.(3) Ca me semble un des impératifs qu'on s'impose pour la Nature en négligeant l'Humain. L'échange léonin est source de conflits, l'échange équitable est source d'amitié, de rapprochement.

Aborder ainsi le changement de pensée me parait un sacrifice volontaire, un holocauste "Nature reçoit nos technologies et apaises toi". Nous, les occidentaux, devons désapprendre notre mode de vie sans pour autant rejeter en bloc tout ce qu'il contient, certaines de ses pièces peuvent être précieuses pour tout le monde, nous devons les partager avec tous ceux et celles qui les désirent et découvrir d'autres manières de les utiliser.

(1) Ce ne sont pas des métiers "parasitaires".

(2) Vraiment pris au hasard, peut être trop... Si il ne te convainc pas j'en chercherai un autre.

(3) Surtout que dans ce cas on pourrait le faire à la voile.

C'est amusant, tu as l'air de croire que je rejette en bloc toute évolution technologique et que je prône la vie à poil en forêt.


Je ne le crois pas, j'étais juste d'humeur à caricaturer le discours survivaliste que j'estime pas du tout (je rejette en bloc toute forme de repli, peu importe pour quel bien on se replie), je n'avais strictement aucune intention de te viser.


nous n'arrivons plus à être autosuffisant sur la planète et je crois pas qu'on en trouve une autre de sitôt


Si nous sortions de la consommation à outrance nous serions très certainement en mesure de répondre aux besoins de chacun des 7 milliards d'humains. Si nous déployons l'énergie mise au service de la seule industrie automobile, par exemple, au service d'une irrigation de la corne de l'Afrique combien de personnes n'auraient plus faim? Certes il faudrait défigurer la région, y creuser de grands canaux, peut être créer de l'industrie pour dessaler l'eau de mer et bien d'autre chose qui changeraient irrémédiablement le paysage et la nature environnante mais ça ne me semble pas un prix insurmontable...(1) Je dis ça en appelant à la mesure et à la réflexion bien évidemment. Les problématiques occidentales (pollution des sols, déboisements etc.) sont bien différentes de celles d'autres régions et à chaque cas doit pouvoir être apportée la solution la plus adaptée.(2)


Pour moi, repenser le concept de progrès est bien plus qu'une simple question matérielle. Tout ce que nous faisons ou imaginons commence par une réflexion immatérielle qui est conditionnée par ce que nous avons appris.


Je suis entièrement d'accord!

Comment a t'on pu en arriver à concevoir la possibilité d'une croissance infinie si ce n'est en ignorant la réalité purement matérielle, base de nos actions et terrain final de nos pensées?

Je ne dis pas qu'il faut évacuer tout ce qui n'est pas matériel de notre réflexion, j'insiste pour que l'on oublie jamais, ne serait qu'une seconde, que nous parlons de la vie des humains, ici et maintenant. Que, comme tu le souligne parfaitement, notre pensée façonne le monde et que si nous pensons en omettant une partie de la réalité nos actions nous entrainerons dans un mur. Étant un indécrottable matérialiste, je met en avant la corporalité des humains et je tiens à ce qu'elle soit un des points d'équilibre de la discussion, les autres points étant la préservation du milieu et l'épanouissement personnel.(3)

(1)Cf la Camargue, création humaine, viable grâce à l'homme et ses interventions qui est une réserve naturelle maintenant, où d'innombrables espèces trouvent leurs "bonheurs".

(2)Là j'ai en tête le témoignage d'une personne vivant près d'une réserve (en Afrique, je ne me souviens plus de quel pays, désolé) qui rapportait qu'au nom de la protection de l'environnement les villageois ne pouvait plus prendre du bois dans la forêt près de chez eux. L'abattage systématique qui fut pratiqué en Europe empêchait un abattage utilitaire ailleurs. Selon moi, dans des cas comme celui ci, on marche sur la tête autant qu'en prônant la "sylviculture" telle qu'elle est pratiquée en Amazonie.

(3) D'où mon entêtement à prôner l'échange et à en faire partie intégrante de toute réflexion sur la société.
il faudrait lire le livre d'Etienne Klein "Galilée et les Indiens" paru chez Flammarion dans la collection "Café Voltaire" et qui est issu de la rencontre du philosophe-physicien Etienne Klein et des chefs indiens kayapo Raoni qui a permis à ce physicien de comprendre ce que l'occident a fait de la science par la création de la science moderne de Galilée, et quels sont les problèmes posés par rapport à la compatibilité de leur coexistence et compréhension mutuelle.
__________________________

mes références :

http://www.demagocratie.fr

http://www.actualutte.com
JoeBar a dit...

il faudrait lire le livre d'Etienne Klein "Galilée et les Indiens" paru chez Flammarion dans la collection "Café Voltaire" et qui est issu de la rencontre du philosophe-physicien Etienne Klein et des chefs indiens kayapo Raoni qui a permis à ce physicien de comprendre ce que l'occident a fait de la science par la création de la science moderne de Galilée, et quels sont les problèmes posés par rapport à la compatibilité de leur coexistence et compréhension mutuelle.
Cette source a l'air super intéressante dis-donc !!
« Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas. Le sage enseigne par ses actes, non par ses paroles. »
Attendant de pouvoir prendre le temps de vous lire, je viens troller un peu Smile

https://www.thechangebook.org/video/3541/boris-via...
« Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas. Le sage enseigne par ses actes, non par ses paroles. »

comment repenser quelque chose sans utiliser notre intelligence ? Comment essayer de redéfinir un concept, la représentation intellectuelle d'une idée abstraite, sans "intellectualiser" la réflexion ?


Il y a une différence aussi grande entre une pensée toute matérialiste et une pensée toute spirituelle/intellectuelle, qu'entre une pensée toute consumériste et une pensée ascétique. Aucun de ses quatre extrêmes n'a ma préférence, il faut explorer pour trouver le juste milieu. C'est pour cela que j'insiste pour qu'au cours de l'échange le matériel ne soit pas perdu de vue.


Je ne peux m'empécher de penser à la phrase de Einstein qui dit qu'on ne peut pas résoudre un problème si on utilise la logique qui l'a engendré.


Mes réponses semblent elles celles de quelqu'un qui s'interdit de réfléchir? Paraissent elles définies par une stricte orthodoxie intellectuelle (Au sens de la droiture dominante)?

Kropotkine, Reich, Nietzsche, Stirner, Arendt, Jacquard font partie de mes repères intellectuels les plus marquants et ils n'ont aucunement participé à la définition de la logique qui a engendré nos problèmes, ils l'ont même combattu par les idées et les actes.

De Kropotkine et Reich, j'ai retenu l'importance des sentiments et de l'entraide tant dans le développement de l'Humanité que dans l'épanouissement de l'Individu. De Nietzsche et Striner j'ai fait mienne l'importance de l'Unique, de la personne insoumise aux Lois qu'elle juge nuisibles. Arendt m'a convaincu que le monde n'est que ce que les humains veulent bien qu'il soit, le consensus intellectuel sur un concept lui donne une réalité que ce concept soit erroné ou non.(1) Jacquard aurait du être cité en même temps que Kropotkine et Reich, de son message j'ai en effet pris l'appel à la solidarité et à l'amitié.


il faudrait que l'on parle de progrès sans aborder des idées comme le bonheur ou la justice, des représentations intellectuelles ?


Lorsque je parle de mettre les usines au service de l'Humanité il est pleinement question de justice, d'équité, de bonheur, d'égalité et de fraternité. Briser une dépossession et se servir des savoirs et des réalisations qu'ils ont permis est un acte purement matériel avec des implications morales évidentes, pour réaliser cela il faut un virage idéologique.

Repenser la société sans rejeter,à priori, la moindre technologie, reste penser.

La transformation du progrès que j'appelle de mes vœux touche à sa complexification (reconnaissance que le besoin d'une technique venu de tel endroit ne nécessite pas d'adopter la culture de l'endroit ; cela vaut autant pour un hôpital occidental que pour l'acuponcture chinoise ou la pharmacopée amazonienne) et à une universalisation, que chacun(e) puisse avoir accès aux progrès qu'il/elle désire, qu'il soit technologique ou sociétal (liberté de penser, de choisir son conjoint, de s'associer, etc.)

(1)Le pygmée ne vit pas dans le même monde que moi même si tout ce qui nous entoure est strictement identique car dans sa culture les consensus sont différents de ceux de ma culture.
2 remarques, qui se veulent directes mais constructives ...

1/ pour alimenter votre débat - interviewé ici par Lepage, cet intellectuel belge (qui pourrait faire un bon intervenant de RI) parlant du concept innovation : http://www.youtube.com/watch?v=DxK8WqCPuR0

2/ pour ne pas perdre de vue les limites du débat - quand je vois les pavés (sans jeu de mot) produits ici ou ailleurs sur TCB, et dont le contexte ne permet pas une large diffusion alors que des projets comme actualutte, notamment, peinent pour trouver des articles rédigés ... trois petits points ...
il serait sûrement très intéressant qu'au terme de ce débat, chacun des intervenants fasse une synthèse de sa pensée.. peut-être que ça pourrait donner lieu à une publication sur actualutte ? au lieu d'un article, ce serait un échange de points de vue .. ?
rien ne sert de courir, non rien ne sert de courir. d'ailleurs, restez couchés !
beat nick a dit...

1/ pour alimenter votre débat - interviewé ici par Lepage, cet intellectuel belge (qui pourrait faire un bon intervenant de RI) parlant du concept innovation : http://www.youtube.com/watch?v=DxK8WqCPuR0


+1 pour le choix de ce bonhomme en intervenant.

Notamment pour son néologisme (si ça en est un, je le connaissais pas personnellement) technico-social. Ca me semble un point de départ très intéressant pour un débat : il faut concevoir le progrès d'une façon propre à chaque groupe, à chaque milieu, en fonction des besoins, des aspirations, des conditions de vie et des techniques déjà intégrées au fonctionnement local, ce qui marchera ici, ne fonctionnera pas là bas et vice-versa.

Selon moi cela prolonge la question de la réutilisation de l'héritage matériel que laisse le capitalisme et cela devrait nous inciter à réfléchir plus en profondeur sur les possibilités de reconversion des monstres de métal, bien entendu en relation étroite et permanente avec ceux et celle avec qui les contrats seraient passés (cf mes remarques sur l'importance de l'échange motivé par l'entraide comme point d'équilibre d'une refonte du concept de progrès).

Ce qu'il dit sur la page blanche me fait penser au livre de Kropotkine sur la révolution française qui a fait date avant de sombrer, comme par hasard, dans l'oubli : La grande révolution 1789-1793 (si je ne me trompe pas...). Il y remet le peuple et son/ses action(s) au centre de l'Histoire, ce genre de travaux, je me répète, est essentiel pour soutenir et donner corps à une refonte de la pensée contemporaine.

beat nick a dit...

quand je vois les pavés (sans jeu de mot) produits ici ou ailleurs sur TCB, et dont le contexte ne permet pas une large diffusion alors que des projets comme actualutte, notamment, peinent pour trouver des articles rédigés ... trois petits points ...
Pourquoi ne pas contacter les auteurs des pavés pour leur demander le droit de publier sur Actualutte ou ailleurs?


J'intègre le lien qu'a posté Farofa http://dndf.org/?p=13845 et j'y fais un détour le temps de poser une interrogation. Je me demande souvent est ce que décréter une pause dans la recherche est l'innovation est compatible avec les idéaux démocratiques? Ne plus chercher activement à améliorer l'outil informatique mais seulement nous efforcer de tirer le meilleur partie possible de la masse de processeurs, barrettes et cartes déjà en circulation ou mises au ban seulement en raison de leur âge. Ne plus concevoir de nouveaux modèles de véhicules et seulement optimiser ceux qui roulent déjà ou attendent sur les parkings des grands groupes.

En clair, serait ce un progrès de réapprendre à prendre le temps au prix d'un "sacrifice" de l'innovation?