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les peurs de monsieur Valls
Ainsi, monsieur Valls « [a] peur pour [son] pays, qu’il se fracasse contre le FN », monsieur Valls a peur : « Le danger est là ...http://librairiemobile.org/spip.php?article58
les peurs de monsieur Valls
Ainsi, monsieur Valls « [a] peur pour [son] pays, qu’il se fracasse contre le FN », monsieur Valls a peur : « Le danger est là devant nous, il est immense. Tout le monde le sait, tout le monde est au courant et pourtant, il y a comme une étrange accoutumance, presque une forme d’endormissement généralisé », monsieur Valls a peur du FN.
C’est sans doute cette peur qui l’a tétanisé, cette peur qui l’a laissé endormi pendant que les miliciens de la FNsea, épaulés par des militants FN, fracassaient du Zadiste en ce début de printemps. C’est cette peur peut-être qui l’a empêché d’entendre ces habitants interdits de sortir de chez eux, de mettre leurs enfants à l’école pendant trois jours, menacés, insultés, intimidés par des miliciens armés. C’est la même peur aussi qui a conduit les gendarmes à ne pas intervenir, à ne pas enregistrer non plus les plaintes pour vandalisme, menaces, coups et blessures, vols, agressions verbales et physiques perpétrées par ces groupuscules contre les zadistes, mais aussi contre des sympathisants, des journalistes, des habitants et des élus hostiles à ce barrage. (voir là et témoignages bienvenus) C’est cette peur bien sûr, qui plonge un gouvernement tout entier, une classe politique toute entière dans une hébétude telle qu’aucun responsable politique n’a eu le courage de faire le déplacement pour constater et témoigner, sinon s’opposer physiquement, sur place, à l’expression décomplexée d’une extrême-droite qui, pour la première fois depuis longtemps a pu se défouler sur le terrain en toute impunité.
Pourtant, il apparaît clairement aujourd’hui que ce projet de barrage sert des intérêts privés, qu’il y a collusion et conflit d’intérêt entre la CACG et le Conseil Général du tarn voir là et là. Sans oublier qu’il y a déjà plusieurs mois, Bruxelles a ouvert une procédure d’infraction contre la France voir là ou là pour "non respect de la législation européenne concernant la détérioration de l’état écologique de la masse d’eau qu’il [le barrage] est susceptible d’entraîner". Ainsi, nous sommes devant un projet inutile défendu par une oligarchie locale qui sert ses intérêts, qui se met hors-la-loi vis-à-vis des règles européennes, qui sera peut-être condamnée pour irrégularités, conflit d’intérêt et détournement de fonds publics si une procédure judiciaire est ouverte (et qu’elle parvient à son terme) et qui, pour se protéger et faire taire toute opposition en appelle à des milices d’extrêmes droites chargées d’instaurer un climat de terreur destiné surtout et avant tout à intimider celles et ceux qui réclament justice et vérité sur le sujet …
. Je comprends, Monsieur Valls, que vous soyez effrayé par le FN. Je comprends que vous ayez peur de ces pratiques anti-démocratiques qui poussent des élus locaux à organiser des milices pour défendre des intérêts privés. Ce sont des agissements dignes de la Russie de Poutine. Mais ces élus sont inscrits dans le même parti que vous, monsieur Valls. Alors, avez-vous peur également du PS ? J’aimerais vous voir plus courageux ! Car nous serions en droit d’attendre d’un homme de conviction qu’il fasse appliquer la loi. Nous serions en droit d’attendre de la justice qu’elle identifie, poursuive et condamne tous les pro-barrages ayant commis des délits. Tout comme nous serions en droit d’attendre de la justice qu’elle se penche sérieusement sur la légalité de ce projet.
Si vous avez peur du FN, monsieur Valls, vous pouvez tout simplement faire appliquer la loi du 10 janvier 1936 qui autorise l’état à dissoudre toute association ou groupement de fait « qui soit provoquerait à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». Vous pouvez déjà dissoudre la FDSEA 65 : Ce ne serait là que justice et une manière pour vous de dépasser vos peurs. Voyez : vous avez l’occasion d’affirmer clairement votre refus de l’extrême droite, vous pouvez agir en résistant, en politicien courageux qui s’élève contre l’intimidation et la violence de milices auto-proclamées, vous pouvez envoyer un message fort à vos électeurs de gauche (!) et les rassurer : le PS au pouvoir ne tolèrera pas que l’état de droit soit bafoué par les syndicalistes de la FNSEA et les militants FN. C’est une opportunité pour vous, à quelques jours des élections départementales, de vous poser en garant de la démocratie, en rempart contre ce FN qui vous fait peur …
David Vial 9 mars 2015
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Ainsi, monsieur Valls « [a] peur pour [son] pays, qu’il se fracasse contre le FN », monsieur Valls a peur : « Le danger est là devant nous, il est immense. Tout le monde le sait, tout le monde est au courant et pourtant, il y a comme une étrange accoutumance, presque une forme d’endormissement généralisé », monsieur Valls a peur du FN.
C’est sans doute cette peur qui l’a tétanisé, cette peur qui l’a laissé endormi pendant que les miliciens de la FNsea, épaulés par des militants FN, fracassaient du Zadiste en ce début de printemps. C’est cette peur peut-être qui l’a empêché d’entendre ces habitants interdits de sortir de chez eux, de mettre leurs enfants à l’école pendant trois jours, menacés, insultés, intimidés par des miliciens armés. C’est la même peur aussi qui a conduit les gendarmes à ne pas intervenir, à ne pas enregistrer non plus les plaintes pour vandalisme, menaces, coups et blessures, vols, agressions verbales et physiques perpétrées par ces groupuscules contre les zadistes, mais aussi contre des sympathisants, des journalistes, des habitants et des élus hostiles à ce barrage. (voir là et témoignages bienvenus) C’est cette peur bien sûr, qui plonge un gouvernement tout entier, une classe politique toute entière dans une hébétude telle qu’aucun responsable politique n’a eu le courage de faire le déplacement pour constater et témoigner, sinon s’opposer physiquement, sur place, à l’expression décomplexée d’une extrême-droite qui, pour la première fois depuis longtemps a pu se défouler sur le terrain en toute impunité.
Pourtant, il apparaît clairement aujourd’hui que ce projet de barrage sert des intérêts privés, qu’il y a collusion et conflit d’intérêt entre la CACG et le Conseil Général du tarn voir là et là. Sans oublier qu’il y a déjà plusieurs mois, Bruxelles a ouvert une procédure d’infraction contre la France voir là ou là pour "non respect de la législation européenne concernant la détérioration de l’état écologique de la masse d’eau qu’il [le barrage] est susceptible d’entraîner". Ainsi, nous sommes devant un projet inutile défendu par une oligarchie locale qui sert ses intérêts, qui se met hors-la-loi vis-à-vis des règles européennes, qui sera peut-être condamnée pour irrégularités, conflit d’intérêt et détournement de fonds publics si une procédure judiciaire est ouverte (et qu’elle parvient à son terme) et qui, pour se protéger et faire taire toute opposition en appelle à des milices d’extrêmes droites chargées d’instaurer un climat de terreur destiné surtout et avant tout à intimider celles et ceux qui réclament justice et vérité sur le sujet …
. Je comprends, Monsieur Valls, que vous soyez effrayé par le FN. Je comprends que vous ayez peur de ces pratiques anti-démocratiques qui poussent des élus locaux à organiser des milices pour défendre des intérêts privés. Ce sont des agissements dignes de la Russie de Poutine. Mais ces élus sont inscrits dans le même parti que vous, monsieur Valls. Alors, avez-vous peur également du PS ? J’aimerais vous voir plus courageux ! Car nous serions en droit d’attendre d’un homme de conviction qu’il fasse appliquer la loi. Nous serions en droit d’attendre de la justice qu’elle identifie, poursuive et condamne tous les pro-barrages ayant commis des délits. Tout comme nous serions en droit d’attendre de la justice qu’elle se penche sérieusement sur la légalité de ce projet.
Si vous avez peur du FN, monsieur Valls, vous pouvez tout simplement faire appliquer la loi du 10 janvier 1936 qui autorise l’état à dissoudre toute association ou groupement de fait « qui soit provoquerait à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». Vous pouvez déjà dissoudre la FDSEA 65 : Ce ne serait là que justice et une manière pour vous de dépasser vos peurs. Voyez : vous avez l’occasion d’affirmer clairement votre refus de l’extrême droite, vous pouvez agir en résistant, en politicien courageux qui s’élève contre l’intimidation et la violence de milices auto-proclamées, vous pouvez envoyer un message fort à vos électeurs de gauche (!) et les rassurer : le PS au pouvoir ne tolèrera pas que l’état de droit soit bafoué par les syndicalistes de la FNSEA et les militants FN. C’est une opportunité pour vous, à quelques jours des élections départementales, de vous poser en garant de la démocratie, en rempart contre ce FN qui vous fait peur …
David Vial 9 mars 2015
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Ainsi, monsieur Valls " [a] peur pour [son] pays, qu'il se fracasse contre le FN ", monsieur Valls a peur : " Le danger est là devant nous, il est immense. Tout le monde le sait, tout le
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Des institutions européennes ou internationales comme : la commission européenne, l’eurogroup, la BCE, l’OTAN, l’...http://librairiemobile.org/spip.php?article56
théorie(s) du complot et représentativité
Des institutions européennes ou internationales comme : la commission européenne, l’eurogroup, la BCE, l’OTAN, l’OCDE, l’OSCE, le FMI, la banque mondiale, l’ONU, … sont dirigées par des individu-es nommé-es et non élu-es par les citoyen-es. De même, au sein de clubs comme la franc-maçonnerie, le club du siècle (en France), le bildergerg club (international) ou le bohémian club (républicains américains) ont lieu des discussions, se prennent des décisions en dehors de toute représentativité populaire. Dans les conseils d’administration des banques et des multinationales tentaculaires on retrouve des cumulard(e)s qui influent à leur avantage sur les orientations globales du monde capitaliste. Dans les loges comme dans les clubs, régis par la loi 1901 qui garantit la liberté d’association : l’une des bases de notre république, l’élite politique, médiatique, militaire, bancaire, industrielle, technologique, … se retrouve et devise par delà le clivage politique gauche-droite sur le destin du pays et du monde.
Pendant ce temps, les parlementaires eux-mêmes, élu-es du peuple, sont sous l’influence de conseillers, spin-doctors et lobbyistes : au parlement européen on compte pas moins de huit lobbyistes connus pour un député élu … Bientôt, si le Traité Trans-Atlantique est signé, il autorisera une multinationale à porter plainte contre un pays si son parlement (élu) vote une loi qui met un frein au développement des bénéfices de l’entreprise. Par exemple, si le parlement français interdit l’importation et la vente sur le territoire d’un poulet farci aux nano-hormones de synthèse, l’entreprise Uni-Cargill-mills qui commercialiserait ce produit pourrait attaquer la France pour entrave au commerce… Comment s’étonner que des théories du complot plus ou moins fumeuses fleurissent dans un tel contexte ? Nos élu-es ne sont plus crédibles, ils ont trahis le peuple en vendant leurs services à des structures opaques qui gouvernent le monde en dehors de toute représentativité.
Ces théories conspirationistes sont d’ailleurs une aubaine pour la classe dominante qui trouve là un épouvantail à agiter sur la toile et ailleurs, afin de détourner encore la rage et la critique vers des cibles invisibles et surpuissantes face auxquelles la résignation ou le délire semblent être les postures les plus souvent adoptées. Les familles, les banquiers, les illuminati seraient donc les metteurs en scène de cette opérette dramatique ? La NSA sait quand tu pisses alors n’espère pas entrer en résistance … L’engagement syndical te vaudra un prélèvement ADN alors réfléchit bien … Le Nouvel Ordre Mondial est en marche et son but ultime est l’apocalypse : inutile de lutter il ne nous reste plus qu’à chercher le salut dans le tourisme chamanique, le bouddhisme béat, la chiro-chromo-thérapie maya ou le hoponopono !
Comment sortir de cette impasse ? Si les représentants du peuple ont failli à leur rôle de garant du bien commun et qu’ils sont devenus les instruments serviles d’un projet capitaliste qui entre en conflit direct avec l’intérêt commun, il est naturel que le peuple retire sa confiance à cette classe politique qui non seulement ne la défend pas mais l’opprime. Les partis grec Syriza, l’Altra Europa en Italie et Podemos en Espagne construisent leur discours non plus sur un clivage droite-gauche mais sur un clivage peuple-caste ou peuple-oligarchie – peuple-troïka ou peuple-déttocratie. Cela traduit bien la défiance à l’égard de la représentativité et la volonté de sortir d’un système hypocrite. Et ce n’est pas du populisme en Grèce, il y a bien d’un côté un peuple affaibli qui souffre et une minorité cooptée, initiée, qui par un jeu pervers de corruptions, pressions, chantages, renvois d’ascenseur, clientélisme, … se partage le pouvoir et les richesses. Sommes-nous à la veille d’une révolution qui couperait les cous cravatés comme une précédente coupait les têtes couronnées ? Tout dépendra de l’attitude de ces cous cravatés … retrouveront-ils la voie lumineuse en se mettant au service du bien commun ou persisteront ils dans la voie sombre, au service d’un projet écocide ?
En tout cas, l’arrivée au pouvoir de Syriza, la montée de Podemos en Espagne, du Bloco de Esquerda au Portugal et du Sinn Féin en Irlande se font sous la même pression de citoyens qui affirment qu’ils ne sont plus dupes, qui expriment leur connaissance de l’entourloupe et leur souhait d’y mettre fin ... (voir ce qui s’est passé en Islande). Et ces peuples qui s’éveillent cherchent dans les valeurs authentiques – originelles - de la gauche, des solutions concrètes pour survivre : coopératives, collectifs, jardins partagés, gratuité, recyclage, écologie, temps libéré, partage, culture, auto-organisation, anti-autoritarisme, anti-sexisme, anti-fascisme servent de ferments et de liants à de multiples initiatives de survie et de résistance. C’est, à mon sens, l’enseignement le plus réjouissant à tirer des élections grecques. Car c’est bien vers l’extrême gauche : ses actions directes et ses idées de fraternité, de tolérance, de solidarité et d’émancipation que s’est tourné la population grecque ces dernières années, et c’est bien une tentative réformiste sinon révolutionnaire qu’elle a aujourd’hui porté au pouvoir. Si l’austérité imposée depuis des années aux pays du sud de l’Europe était un test grandeur nature sur la capacité des peuples à encaisser l’humiliation de « la politique de soumission »* (terme de Tsipras pour qualifier la politique de la dette entretenue qui assujettit le débiteur) et si dans quelque club on espérait en réaction un retour massif de l’extrême droite, c’est raté !
Quelle peut-être maintenant la réaction des maîtres du monde ? Face à des citoyens affranchis, conscients et désireux de changer la donne, face à un Alexis Tsipras calme et déterminé à ne plus discuter avec la Troïka ni la dettocratie comment réagira cette intelligentia élue et non élue ? Abattre physiquement ou par un scandale Tsipras ne reviendrait qu’à changer en martyr celui qui est déjà une icône, une image, une incarnation charismatique de cette idée de changement et de l’attitude calme et déterminée qui anime toute une population en lutte. Je pense aussi que si les capitaux n’ont pas fuit de Grèce au lendemain de l’élection, c’est que Syriza a suffisamment donné de gages pour rassurer. Nous verrons comment Alexis et ses interlocuteurs dérouleront plus ou moins à leur avantage un agenda peut-être plus ou moins jalonné déjà, qui parle de moratoire sur la dette, de baisse des taux d’intérêt et de réformes structurelles. Nous verrons comment Syriza porte l’espoir, et à quel enfantement il donnera lieu.
A mon sens, ce sont les luttes elles mêmes et leurs acteurs/actrices qui sont en première ligne dans ce combat pour construire un monde débarrassé de l’arrogance et de la voracité maladive de 1% de nos congénères. Ce sont ceux qui sont arrêtés pour avoir divulgué des éclats de vérité, ce sont celles qui se mettent dans l’illégalité pour stopper un chantier ou chanter une chanson, c’est celui qui meurt pour défendre la Vie ; mais ne nous y trompons pas : les whistleblowers, les ZADistes et les Pussy Riot ne sont pas des terroristes, tout comme Rémi ce sont des pionniers courageux et lucides. Si le pouvoir tente de criminaliser systématiquement les luttes et les mouvements sociaux, de harceler ses porte-paroles pour les décourager, prenons conscience collectivement que ces foyers de résistance et d’invention (qui sont nombreux) peuvent aussi être hors-normes, par essence marginaux puisque le monde de demain ne peut s’inventer qu’en marge de celui qui domine, pourtant c’est là que l’on s’oppose farouchement aux projets fous du système, c’est là que l’on se bat et que l’on cherche, que l’on s’émancipe et que l’on construit avec une intensité peut-être plus débridée qu’ailleurs.
Alors posons un autre regard sur celles et ceux qui œuvrent quotidiennement à mettre en pratique – praxis – ces belles idées de la gauche que l’on redécouvre bien vivantes à la faveur des élections grecques et qui se réinventent en commun, un peu partout sur la planète. Découvrons ces luttes, soutenons ces luttes, aidons les, rejoignons les, créons en d’autres et peu à peu si nous sommes suffisamment nombreu-ses à faire ces petits pas de côté, il ne restera bientôt plus personne sur l’autoroute des vacances … Il ne serait alors même plus nécessaire de couper ces cous cravatés … Bien sûr, cela demande de la part des pionniers du mouvement beaucoup de bienveillance. De patience, d’accueil et d’écoute, de pédagogie. Militant-es, activistes, magicien-nes de tous pays ne vous drapez pas dans la suffisance et l’agacement, ne cherchez pas à pisser plus noir, plus rouge ou plus vert que les autres … Accueillez avec générosité et amusement sérieux un peuple curieux et maladroit de n’avoir pas compris plus tôt, mais prêt aujourd’hui à une métamorphose festive. Ne le repoussez pas au risque cette fois de le jeter dans les bras rugueux d’une extrême droite qui se nourrit de frustration, de ressentiment, de vengeance, d’exclusion.
C’est une période de transition, pressentait Vangelis dans le livre « Exarcheia la noire », peut-être une période de multiplication d’expériences dites alternatives, mises en cohérence dans un nouveau projet de société. Une période de récupération ? Ou une période de créativité, d’invention, d’enthousiasme si la fraternité, l’écoute, l’accueil permettent à chacun-e de trouver sa place dans ce grand chantier. Les exemples islandais, grecs, espagnols, portugais … sont encourageants quand à la capacité de cette onde d’émancipation active de traverser toute la société : chomeurs, précaires, salariés, artisans, fonctionnaires - jeunes, parents, grands-parents sont ensemble dans la rue et c’est peut-être bien là, au cours d’actions concrètes de manifestation, d’occupation, de réquisition, de blocage que ce mouvement puise sa force populaire. Face à l’injustice aveugle, la solidarité joue à fond et le pouvoir, s’il veut se maintenir, s’appliquera à freiner le soutien populaire en décrédibilisant les actions et les initiatives menées.
Pourtant, seul l’engagement pourra continuer à alimenter cet élan. Chacun-e à son échelle, chacun-e à son rythme et comme préalable commun : décoloniser l’imaginaire des peurs et des attentes entretenues par ce que l’on croit que le système veut de nous. Il parait que si l’on parvient à ouvrir l’imaginaire créatif et à inventer des pratiques nouvelles pour améliorer les conditions de vie de l’ensemble on peut alors s’orienter vers un projet humain globalement viable… Cependant, on ne peut pas faire l’économie de l’engagement : cet investissement dans la lutte, cette ré-occupation de notre temps de vie avec la même détermination calme qui s’affirme et s’impose ici et là, en bas à gauche.
david VIAL - 2 février 2015
théorie(s) du complot et représentativité
Des institutions européennes ou internationales comme : la commission européenne, l’eurogroup, la BCE, l’OTAN, l’...http://librairiemobile.org/spip.php?article56
théorie(s) du complot et représentativité
Des institutions européennes ou internationales comme : la commission européenne, l’eurogroup, la BCE, l’OTAN, l’OCDE, l’OSCE, le FMI, la banque mondiale, l’ONU, … sont dirigées par des individu-es nommé-es et non élu-es par les citoyen-es. De même, au sein de clubs comme la franc-maçonnerie, le club du siècle (en France), le bildergerg club (international) ou le bohémian club (républicains américains) ont lieu des discussions, se prennent des décisions en dehors de toute représentativité populaire. Dans les conseils d’administration des banques et des multinationales tentaculaires on retrouve des cumulard(e)s qui influent à leur avantage sur les orientations globales du monde capitaliste. Dans les loges comme dans les clubs, régis par la loi 1901 qui garantit la liberté d’association : l’une des bases de notre république, l’élite politique, médiatique, militaire, bancaire, industrielle, technologique, … se retrouve et devise par delà le clivage politique gauche-droite sur le destin du pays et du monde.
Pendant ce temps, les parlementaires eux-mêmes, élu-es du peuple, sont sous l’influence de conseillers, spin-doctors et lobbyistes : au parlement européen on compte pas moins de huit lobbyistes connus pour un député élu … Bientôt, si le Traité Trans-Atlantique est signé, il autorisera une multinationale à porter plainte contre un pays si son parlement (élu) vote une loi qui met un frein au développement des bénéfices de l’entreprise. Par exemple, si le parlement français interdit l’importation et la vente sur le territoire d’un poulet farci aux nano-hormones de synthèse, l’entreprise Uni-Cargill-mills qui commercialiserait ce produit pourrait attaquer la France pour entrave au commerce… Comment s’étonner que des théories du complot plus ou moins fumeuses fleurissent dans un tel contexte ? Nos élu-es ne sont plus crédibles, ils ont trahis le peuple en vendant leurs services à des structures opaques qui gouvernent le monde en dehors de toute représentativité.
Ces théories conspirationistes sont d’ailleurs une aubaine pour la classe dominante qui trouve là un épouvantail à agiter sur la toile et ailleurs, afin de détourner encore la rage et la critique vers des cibles invisibles et surpuissantes face auxquelles la résignation ou le délire semblent être les postures les plus souvent adoptées. Les familles, les banquiers, les illuminati seraient donc les metteurs en scène de cette opérette dramatique ? La NSA sait quand tu pisses alors n’espère pas entrer en résistance … L’engagement syndical te vaudra un prélèvement ADN alors réfléchit bien … Le Nouvel Ordre Mondial est en marche et son but ultime est l’apocalypse : inutile de lutter il ne nous reste plus qu’à chercher le salut dans le tourisme chamanique, le bouddhisme béat, la chiro-chromo-thérapie maya ou le hoponopono !
Comment sortir de cette impasse ? Si les représentants du peuple ont failli à leur rôle de garant du bien commun et qu’ils sont devenus les instruments serviles d’un projet capitaliste qui entre en conflit direct avec l’intérêt commun, il est naturel que le peuple retire sa confiance à cette classe politique qui non seulement ne la défend pas mais l’opprime. Les partis grec Syriza, l’Altra Europa en Italie et Podemos en Espagne construisent leur discours non plus sur un clivage droite-gauche mais sur un clivage peuple-caste ou peuple-oligarchie – peuple-troïka ou peuple-déttocratie. Cela traduit bien la défiance à l’égard de la représentativité et la volonté de sortir d’un système hypocrite. Et ce n’est pas du populisme en Grèce, il y a bien d’un côté un peuple affaibli qui souffre et une minorité cooptée, initiée, qui par un jeu pervers de corruptions, pressions, chantages, renvois d’ascenseur, clientélisme, … se partage le pouvoir et les richesses. Sommes-nous à la veille d’une révolution qui couperait les cous cravatés comme une précédente coupait les têtes couronnées ? Tout dépendra de l’attitude de ces cous cravatés … retrouveront-ils la voie lumineuse en se mettant au service du bien commun ou persisteront ils dans la voie sombre, au service d’un projet écocide ?
En tout cas, l’arrivée au pouvoir de Syriza, la montée de Podemos en Espagne, du Bloco de Esquerda au Portugal et du Sinn Féin en Irlande se font sous la même pression de citoyens qui affirment qu’ils ne sont plus dupes, qui expriment leur connaissance de l’entourloupe et leur souhait d’y mettre fin ... (voir ce qui s’est passé en Islande). Et ces peuples qui s’éveillent cherchent dans les valeurs authentiques – originelles - de la gauche, des solutions concrètes pour survivre : coopératives, collectifs, jardins partagés, gratuité, recyclage, écologie, temps libéré, partage, culture, auto-organisation, anti-autoritarisme, anti-sexisme, anti-fascisme servent de ferments et de liants à de multiples initiatives de survie et de résistance. C’est, à mon sens, l’enseignement le plus réjouissant à tirer des élections grecques. Car c’est bien vers l’extrême gauche : ses actions directes et ses idées de fraternité, de tolérance, de solidarité et d’émancipation que s’est tourné la population grecque ces dernières années, et c’est bien une tentative réformiste sinon révolutionnaire qu’elle a aujourd’hui porté au pouvoir. Si l’austérité imposée depuis des années aux pays du sud de l’Europe était un test grandeur nature sur la capacité des peuples à encaisser l’humiliation de « la politique de soumission »* (terme de Tsipras pour qualifier la politique de la dette entretenue qui assujettit le débiteur) et si dans quelque club on espérait en réaction un retour massif de l’extrême droite, c’est raté !
Quelle peut-être maintenant la réaction des maîtres du monde ? Face à des citoyens affranchis, conscients et désireux de changer la donne, face à un Alexis Tsipras calme et déterminé à ne plus discuter avec la Troïka ni la dettocratie comment réagira cette intelligentia élue et non élue ? Abattre physiquement ou par un scandale Tsipras ne reviendrait qu’à changer en martyr celui qui est déjà une icône, une image, une incarnation charismatique de cette idée de changement et de l’attitude calme et déterminée qui anime toute une population en lutte. Je pense aussi que si les capitaux n’ont pas fuit de Grèce au lendemain de l’élection, c’est que Syriza a suffisamment donné de gages pour rassurer. Nous verrons comment Alexis et ses interlocuteurs dérouleront plus ou moins à leur avantage un agenda peut-être plus ou moins jalonné déjà, qui parle de moratoire sur la dette, de baisse des taux d’intérêt et de réformes structurelles. Nous verrons comment Syriza porte l’espoir, et à quel enfantement il donnera lieu.
A mon sens, ce sont les luttes elles mêmes et leurs acteurs/actrices qui sont en première ligne dans ce combat pour construire un monde débarrassé de l’arrogance et de la voracité maladive de 1% de nos congénères. Ce sont ceux qui sont arrêtés pour avoir divulgué des éclats de vérité, ce sont celles qui se mettent dans l’illégalité pour stopper un chantier ou chanter une chanson, c’est celui qui meurt pour défendre la Vie ; mais ne nous y trompons pas : les whistleblowers, les ZADistes et les Pussy Riot ne sont pas des terroristes, tout comme Rémi ce sont des pionniers courageux et lucides. Si le pouvoir tente de criminaliser systématiquement les luttes et les mouvements sociaux, de harceler ses porte-paroles pour les décourager, prenons conscience collectivement que ces foyers de résistance et d’invention (qui sont nombreux) peuvent aussi être hors-normes, par essence marginaux puisque le monde de demain ne peut s’inventer qu’en marge de celui qui domine, pourtant c’est là que l’on s’oppose farouchement aux projets fous du système, c’est là que l’on se bat et que l’on cherche, que l’on s’émancipe et que l’on construit avec une intensité peut-être plus débridée qu’ailleurs.
Alors posons un autre regard sur celles et ceux qui œuvrent quotidiennement à mettre en pratique – praxis – ces belles idées de la gauche que l’on redécouvre bien vivantes à la faveur des élections grecques et qui se réinventent en commun, un peu partout sur la planète. Découvrons ces luttes, soutenons ces luttes, aidons les, rejoignons les, créons en d’autres et peu à peu si nous sommes suffisamment nombreu-ses à faire ces petits pas de côté, il ne restera bientôt plus personne sur l’autoroute des vacances … Il ne serait alors même plus nécessaire de couper ces cous cravatés … Bien sûr, cela demande de la part des pionniers du mouvement beaucoup de bienveillance. De patience, d’accueil et d’écoute, de pédagogie. Militant-es, activistes, magicien-nes de tous pays ne vous drapez pas dans la suffisance et l’agacement, ne cherchez pas à pisser plus noir, plus rouge ou plus vert que les autres … Accueillez avec générosité et amusement sérieux un peuple curieux et maladroit de n’avoir pas compris plus tôt, mais prêt aujourd’hui à une métamorphose festive. Ne le repoussez pas au risque cette fois de le jeter dans les bras rugueux d’une extrême droite qui se nourrit de frustration, de ressentiment, de vengeance, d’exclusion.
C’est une période de transition, pressentait Vangelis dans le livre « Exarcheia la noire », peut-être une période de multiplication d’expériences dites alternatives, mises en cohérence dans un nouveau projet de société. Une période de récupération ? Ou une période de créativité, d’invention, d’enthousiasme si la fraternité, l’écoute, l’accueil permettent à chacun-e de trouver sa place dans ce grand chantier. Les exemples islandais, grecs, espagnols, portugais … sont encourageants quand à la capacité de cette onde d’émancipation active de traverser toute la société : chomeurs, précaires, salariés, artisans, fonctionnaires - jeunes, parents, grands-parents sont ensemble dans la rue et c’est peut-être bien là, au cours d’actions concrètes de manifestation, d’occupation, de réquisition, de blocage que ce mouvement puise sa force populaire. Face à l’injustice aveugle, la solidarité joue à fond et le pouvoir, s’il veut se maintenir, s’appliquera à freiner le soutien populaire en décrédibilisant les actions et les initiatives menées.
Pourtant, seul l’engagement pourra continuer à alimenter cet élan. Chacun-e à son échelle, chacun-e à son rythme et comme préalable commun : décoloniser l’imaginaire des peurs et des attentes entretenues par ce que l’on croit que le système veut de nous. Il parait que si l’on parvient à ouvrir l’imaginaire créatif et à inventer des pratiques nouvelles pour améliorer les conditions de vie de l’ensemble on peut alors s’orienter vers un projet humain globalement viable… Cependant, on ne peut pas faire l’économie de l’engagement : cet investissement dans la lutte, cette ré-occupation de notre temps de vie avec la même détermination calme qui s’affirme et s’impose ici et là, en bas à gauche.
david VIAL - 2 février 2015
Myiette
Très bel article, vraiment! Merci.
Tu le proposerai pas pour Actualuttes?
Tu le proposerai pas pour Actualuttes?
- 15 Mars 2015
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dvial
bah si bien sûr, les textes sont faits pour vivre et circuler, pas de souci !
- 15 Mars 2015
- ·
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Myiette
Super! Par contre, sais-tu que ton profil est privé et que, du coup, il faut remonter tout le fil pour lire un commentaire sur ton com public? À savoir aussi que, sur TCB, à moins d'avoir réussi à ramener tout son réseau, ça présente pas grand intérêt de garder son profil privé. Mais si tu as réussi...Super! Par contre, sais-tu que ton profil est privé et que, du coup, il faut remonter tout le fil pour lire un commentaire sur ton com public? À savoir aussi que, sur TCB, à moins d'avoir réussi à ramener tout son réseau, ça présente pas grand intérêt de garder son profil privé. Mais si tu as réussi à faire ça, donne nous la recette, et un accès à ton mur, s'il te plaiaiaiais !
- 15 Mars 2015
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Myiette
@beat nick, à l'aide, je trouve pas le lien à joindre, sur ma mob, pour le partenariat!
- 15 Mars 2015
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extrait de http://librairiemobile.org/spip.php?article13
Chacun est donc invité à rejoindre la rue, pour manifester son soutien à la révolution.
Que ceux qui ont peur, qui ne sont pas rassurés par l...extrait de http://librairiemobile.org/spip.php?article13
Chacun est donc invité à rejoindre la rue, pour manifester son soutien à la révolution.
Que ceux qui ont peur, qui ne sont pas rassurés par les caméras et les patrouilles, par les cris et les grincements de métal, par les machines et les tôles, par l’autoroute et la nationale qui passent sous leurs fenêtres, par la centrale et l’usine d’engrais qui viennent de s’installer. Que ceux qui angoissent pour les fleuves et les forêts, ceux qui cherchent les étoiles à travers la pollution, ceux qui n’aiment ni les grosses bagnoles, ni les armes, ni les gros chiens, que tous ceux-là se fassent connaître.
Exprimons-nous, élevons nos voix. Prenons confiance car c’est sûrement cette voie qui reste la plus sensée. Inutile d’utiliser la force. Il faut créer. Récupérons notre temps. C’est notre unique richesse. Réaccaparons notre temps. Cessons de produire des biens, cessons de vendre notre temps.
Gardons-le pour nous et occupons-le à dormir, à rêver, à discuter ensemble, à réfléchir ou méditer seuls, à partager des repas, des moments, des aventures, consacrons du temps à nos enfants, nos parents, nos amis, occupons-le à aimer, à apprendre, à comprendre, à faire l’amour. Vivons la vie sans accumuler.
Avouons cette tendance que nous avons à la rêverie et à l’observation, à la matière spirituelle plus qu’aux contingences de la matière.
Si nous osons cela, nous parviendrons à créer un monde dans lequel une grande majorité de l’humanité se sent bien. Il n’y a qu’à se laisser porter, rythmer, emmener vers le doux, le subtil, l’intelligent, le facétieux, le libertaire ou libertin, le créatif, l’harmonieux, le beau, l’art et la musique, les sensations ténues et multiples, la variété, la tolérance, la recherche, la curiosité, l’ouverture, la mixité, la richesse, l’abondance, la paix.
Chacun est donc invité à rejoindre la rue, pour manifester son soutien à la révolution.
Que ceux qui ont peur, qui ne sont pas rassurés par l...extrait de http://librairiemobile.org/spip.php?article13
Chacun est donc invité à rejoindre la rue, pour manifester son soutien à la révolution.
Que ceux qui ont peur, qui ne sont pas rassurés par les caméras et les patrouilles, par les cris et les grincements de métal, par les machines et les tôles, par l’autoroute et la nationale qui passent sous leurs fenêtres, par la centrale et l’usine d’engrais qui viennent de s’installer. Que ceux qui angoissent pour les fleuves et les forêts, ceux qui cherchent les étoiles à travers la pollution, ceux qui n’aiment ni les grosses bagnoles, ni les armes, ni les gros chiens, que tous ceux-là se fassent connaître.
Exprimons-nous, élevons nos voix. Prenons confiance car c’est sûrement cette voie qui reste la plus sensée. Inutile d’utiliser la force. Il faut créer. Récupérons notre temps. C’est notre unique richesse. Réaccaparons notre temps. Cessons de produire des biens, cessons de vendre notre temps.
Gardons-le pour nous et occupons-le à dormir, à rêver, à discuter ensemble, à réfléchir ou méditer seuls, à partager des repas, des moments, des aventures, consacrons du temps à nos enfants, nos parents, nos amis, occupons-le à aimer, à apprendre, à comprendre, à faire l’amour. Vivons la vie sans accumuler.
Avouons cette tendance que nous avons à la rêverie et à l’observation, à la matière spirituelle plus qu’aux contingences de la matière.
Si nous osons cela, nous parviendrons à créer un monde dans lequel une grande majorité de l’humanité se sent bien. Il n’y a qu’à se laisser porter, rythmer, emmener vers le doux, le subtil, l’intelligent, le facétieux, le libertaire ou libertin, le créatif, l’harmonieux, le beau, l’art et la musique, les sensations ténues et multiples, la variété, la tolérance, la recherche, la curiosité, l’ouverture, la mixité, la richesse, l’abondance, la paix.
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david vial : STOP CONSOMMATION
dimanche 14 février 2010
http://librairiemobile.org/spip.php?article8
STOP CONSOMMATION David Vial
- n° 06 - éd...Accueil du site > david vial > david vial : STOP CONSOMMATION
david vial : STOP CONSOMMATION
dimanche 14 février 2010
http://librairiemobile.org/spip.php?article8
STOP CONSOMMATION David Vial
- n° 06 - éditions Key Largo - janv. 2oo1 2 euros éd. Key Largo - Terre Blanque - 31470 ST-LYS ISBN : 2-9517237-5-X dépôt légal : octobre 2oo1
disponible sous Licence Creative Commons
chapitre 1
Le type a l’air jeune, la trentaine, grand, les cheveux châtains presque roux, en bataille sur le crâne. Il descend d’une voiture du passé, prend l’angle de la rue et remonte vers l’est. La patrouille continue sa route, laissant à une autre le soin de poursuivre la filature. Alex, le type, pousse la porte d’un drugstore. Il demande si son tampon est prêt. Commandé la veille par téléphone, l’objet a bien été livré, avec un box d’encre offert. Pour vérifier le motif, il réclame une feuille au commerçant, qui lui en sert une à l’effigie de coca. Alex presse le caoutchouc contre le box et vise le logo rouge. STOP apparaît en majuscules, police : charter one. Content du résultat, il froisse la feuille et la balance dans le poêle, qui brûle au milieu de la boutique. « Pas chaud hein !? » lâche-t-il en sortant.
Direction nord-est - secteur fluvial.
Se laissant porter par le trafic, Alex se roule une cigarette. Il sourit mais son visage est quand même grave, décidé. Quelques instants plus tard, il se gare devant un nouveau drugstore.
47 ème rue droite - n° 356
Alors qu’il entre là, un flic en civil entre dans le précédent. S’approchant du comptoir, il montre sa carte et pose des questions sur le type, qui vient de sortir. Le commerçant livre aussitôt le bon de commande, et révèle l’empreinte demandée par le client : STOP en majuscules, police : charter one. De son côté, Alex fait quelques pas vers un présentoir rouillé. Il interrompt un employé occupé à le garnir de chargeurs de tous modèles, qui finit par poser son portable, pour consulter l’écran tactile. « Oui, c’est fait. » Il fouille alors, et sort une caisse en bois de sous le comptoir. Dedans, il trouve le paquet. Là, Alex se sert : il prend un prospectus sur une pile et essaye le tampon. S’inscrit en majuscules : CONSOMMATION. Satisfait, il laisse le prospectus. En ressortant il inspire à fond avant de s’engouffrer dans une voiture. Puis il repart tranquille, se fondant dans le flot, respectant les limites. Toutes les voitures du passé, comme celle que conduit Alex, sont tenues de circuler sur un axe parallèle, non équipé de rails électros. Les routes d’asphalte ne sont d’ailleurs plus entretenues depuis plusieurs années. Il arrive qu’un véhicule abandonné reste là des mois avant d’être enlevé par les services de voirie, mais cela ne gêne que les utilisateurs de ces routes, ceux qui vivent encore dans le passé, ceux qui conduisent des vieilles bagnoles. Sur le périphérique, Alex songe à semer la patrouille. Il sait qu’il est filé chaque fois qu’il vient en ville, et il s’en fout. Les flics se contentent de le suivre, après l’avoir repéré sur un écran. C’est une sorte de contrat tacite entre ceux du dehors et les Brigades Municipales : si tu te tiens à carreaux, ils ferment les yeux. Ce qu’ils détestent, c’est la nouveauté, l’inconnu. Il vaut donc mieux utiliser le même véhicule auquel ils s’habituent, et qu’ils surveillent de loin, pour s’occuper. Alex file vers le sud. Il lui reste une dizaine de bornes à parcourir, avant de franchir la porte de la ville. Sur sa droite, les vaisseaux électriques glissent à vive allure, sans bruit, sans heurt, car le flux automobile est dense mais cependant régulé. Chaque véhicule, privé ou public, est en effet équipé d’une borne, le reliant au réseau. Cette borne multifonctions donne la position géographique, et reçoit des instructions qui font varier la vitesse, en fonction du trafic. Le conducteur ne s’occupe plus que du guidage. C’est un fameux progrès ! Une avancée technologique qui conduirait à grands pas les intégrés vers un futur toujours plus pratique, toujours plus efficace. Toutefois, l’attribution des bornes reste à ce jour soumise à certaines conditions : toute demande doit s’accompagner d’un justificatif de domicile en ville, la voiture à équiper doit avoir moins de cinq ans et surtout, il faut une carte créditée. Or Alex n’a pas de carte. Pour l’adresse en ville, il pourrait s’arranger. Mais pour la voiture, une carte est nécessaire. Pas de carte, pas de crédit ; pas de crédit, pas de voiture. Et pour avoir une carte, il faut d’abord vendre son temps. C’est cela qu’ils appellent être intégré : disposé à vendre son temps en échange d’une carte, qui permet d’accéder à tout ce que le progrès produit comme confort, comme distractions. Cela fait maintenant sept ou huit ans qu’on est passé à cette carte unique. L’objet devait être le nouveau symbole de la liberté individuelle. Personnelle, elle contient les renseignements suivants, saisis sur le plastique :
- état civil - nom - prénom - date et lieu de naissance
- adresse - téléphone - e-mail
- formations - compétences - savoir-faire - emplois exercés
- permis de conduire - laisser-passer
- données bancaires - judiciaires - notariales
- bilan de santé - groupe sanguin - compatibilités tissulaires
Viennent s’y ajouter les contrats d’assurances et de location, les crédits en cours, la fonction de clef universelle et bien sûr de carte de paiement. Toute la lourdeur administrative levée d’un coup, par la mise en cohérence de données fragmentées ; la liberté retrouvée pour des millions de citoyens perdus dans cette société libérale post-Kafkaïenne du début du siècle ; une révolution, censée reconstituer le tissu social en gommant les apparences de l’inégalité. On avait voté le passage à la carte par référendum. L’état devait ensuite les fabriquer : une par individu, une par citoyen légal du pays. Mais les banques bloquèrent le processus. Elles refusèrent de cautionner les endettés et ceux qui avaient eu un accident bancaire récent. Selon elles, ces personnes n’ont pas conscience de la valeur de l’argent et cette forme de déficience met en danger la société. On ne peut faire confiance à ceux qui prennent à la légère les fluctuations de leur compte, et même, dans la mesure où l’on mettait en commun l’ensemble des réserves d’argent, il leur paraissait acquis qu’un seul faux mouvement pourrait mettre en péril tout l’édifice. Les banquiers étaient tombés d’accord pour gérer les comptes de tous les habitants du pays, mais il fallait auparavant exclure ceux qui risquaient de déclencher une catastrophe, en déséquilibrant les flux par leurs frasques. L’état avait cédé, malgré les soulèvements populaires. C’est comme ça que les interdits bancaires, les faillitaires, les sur-endettés furent sacrifiés sur l’autel de réformes fatales, menant à une mondialisation globale pilotée par les tenants des bons modèles économiques. Ils furent de facto exclus des villes et vinrent grossir les rangs de ceux qui n’avaient plus ni carte ni chéquier, depuis déjà longtemps ; Alex avait fait partie de la charrette. Environ deux kilomètres avant le check-point se trouve une aire de repos accessible uniquement par la vieille route. La station a brûlé lors des événements et la végétation reprend le dessus, soulevant le bitume et brisant le béton. L’endroit est désert. Alex ralentit un peu et laisse passer la patrouille, sur l’autre axe. Elle l’attendrait plus loin sur la bande d’arrêt d’urgence mais il ne réapparaîtrait pas, et finalement, ils n’auraient qu’à mettre dans leur rapport : trace perdue à hauteur de l’aire du Volvestre à dix-sept heures vingt-quatre. Cela justifierait leur incompétence. Cette aire était vite devenue un passage privilégié, pour entrer en ville ou en sortir discrètement. Derrière le rideau de végétation part une route secondaire, un ancien accès de service qui permet de rejoindre les routes départementales. Cela mène bien loin du périmètre d’intervention des Brigades Municipales qui doivent, pour continuer à suivre une voiture sans borne, utiliser un hélico ou une visée satellite : très coûteux, très peu utilisé. De toute façon, les flics se fichent pas mal de savoir où il va. Il peut bien aller au diable pourvu qu’il dégage le secteur sans faire de vague. Leur seule préoccupation est que les non-intégrés ne fassent pas d’histoire le temps de leur présence en ville, et qu’ils y restent le moins longtemps possible. Ils ont comme consigne de signaler les déplacements et les endroits fréquentés par tout individu venu de l’extérieur, ensuite d’autres se chargent d’analyser et de recouper ces informations. Jugeant s’être assez éloigné du fracas de la ville, Alex se gare le long de la route déserte. Il s’étire, fait quelques pas sur la chaussée et remarque en contrebas, un verger. D’un bond il saute le fossé et se retrouve alors dans une allée de pommiers. Redevenus eux-mêmes, les arbres avaient donné des fruits bosselés et rabougris, des pommes petites comme des poings de bébé, à la peau rouge et fripée. Alex en cueille une et la croque, curieux. La saveur acidulée lui laisse un arrière goût sucré et délicat, un goût du passé, inconnu des jeunes intégrés. Tout en mangeant, il continue de marcher dans l’herbe haute, en exploration. L’allée d’arbres s’enfonce loin devant lui vers une rivière, et de chaque côté se trouvent d’autres allées parallèles, séparées par des peupliers. Sans doute devait-on jadis cultiver là toutes sortes de fruits. Etonnant que personne n’ait encore pillé l’endroit, déserté et abandonné depuis les événements. En retournant vers la route Alex se charge d’une petite provision de pommes rouges, puis il note avec précision sur une carte routière la position du verger. Car ce genre de renseignement est rare, pour lui et les siens cela peut être quelque chose de très précieux.
Chapitre 2
A hauteur de Sainte-Croix, Alex allume une radio de campagne, un ancien modèle de l’armée espagnole. Elle crache un son tordu, rapide, électronique. Il reconnaît le style de Pierre et sourit. Il l’imagine, perché sur ses machines, le corps battant le rythme, les mains mêlant les sons, malmenant les boutons. Dans une heure environ, il l’aura rejoint, lui et les autres membres de la tribu qu’ils forment tous non-intégrés associés pour occuper une baraque isolée juchée sur un sommet. Ils avaient tout de suite installé une radio pirate dont le rayon d’émission délimitait leur champ d’influence. Alex savait donc en entendant ce son qu’il arrivait, qu’il était en territoire ami.
« Alors, comment ça c’est passé ?
- Bien, j’ai les tampons. En rentrant, j’ai découvert des fruitiers. ça vaudrait le coup de faire un stock de pommes ou de poires, à mettre en compote. » Valérie éclate de rire. « Méfie-toi, on risque de te prendre au mot. »
Ils sont assis à table, dans une cuisine ouverte sur l’extérieur. Au sol, des carreaux multicolores composent des motifs réguliers, hypnotiques. Jean entre, au moment où Alex déballe son butin de pommes. Il s’exclame ravi, et d’une bouchée en avale une entière, tout heureux de la surprise. En mâchant il farfouille dans les boîtes pour sortir et essayer les tampons. STOP CONSOMMATION.
« - Parfait, dit-il, ça va faire un malheur ! On s’y met ? »
L’idée d’Alex est simple : il s’agit de découper des milliers de rectangles de papier, d’y apposer le slogan puis, quand il y en a assez, d’aller les tracter en ville. Pour cela, ils avaient mis au point un ingénieux système d’aile volante, qui permettait de hisser les tracts au dessus de la ville. Il suffisait de tirer un loquet pour qu’ils s’échappent, et tombent en pluie à des dizaines de mètres à la ronde. C’est comme ça qu’ils faisaient leur propagande révolutionnaire. L’astuce est d’ailleurs très efficace et peu dangereuse, car quand une patrouille repère un cerf-volant en l’air, c’est trop tard : déjà les tracts dégringolent et les types ont disparu, abandonnant l’engin au vent. Jean et Alex s’installent dans l’atelier, pour massicoter des bandes de papier.
« Comment c’était en ville ?
- Comme d’hab, les intégrés ont toujours le regard aussi vide, ils ne voient rien ni personne ; ça me fout le cafard. Je me demande si ce que nous faisons en touche un sur mille, en tout cas, ceux qui nous soutiennent ne se montrent pas trop.
- Ils aimeraient être à notre place. Loin de tout, tranquilles et autonomes...
- Ouais ...
- Ils n’ont qu’à se bouger le cul. »
Après quelques minutes, Alex reprend.
« Et ici, quoi de neuf ?
- Un convoi est passée, ils viennent de Prague et descendent au Portugal.
- Ils voulaient se poser là ?
- Oui, c’est Valérie qui les a eus. Elle les a guidés par radio jusqu’au plateau du Plantaurel. Pour quelques jours, ça ira.
- Tu sais ce qu’ils ont ?
- Ils ont des champis et les troquent contre de la viande ou des épices. Mais je crois qu’on est à sec - ou limite.
- Et contre des fruits ? Des pommes ?
- A voir, j’en sais rien. »
Ils mettent trois bonnes heures à découper méticuleusement des carrés de dix sur dix puis quand c’est fait, ils retournent dans la maison où Pierre et Valérie cuisinent en chantant Boris Vian. A leur arrivée, dans la cuisinière de fonte, le feu soudain siffle si fort qu’il finit par l’emporter. Tous les quatre éclatent de rire et le bois crépite, pour conclure.
« Vous en êtes où, demande Pierre ?
- On a le papier, on a les tampons. On mange et on s’y remet. C’est quoi ? réclame Jean en soulevant un couvercle.
- Pas touche ! dit Valérie. Mettez donc la table, je vous sers. C’est du sanglier aux cèpes, une recette de sa grand-mère.
- De ma grand-tante, rectifie Pierre. Elle s’appelait Nina, une vraie sorcière dans l’âme.
- Une sorcière ?
- Oui. En fait, on la surnommait ainsi car c’était la seule à la ronde qui savait encore utiliser les plantes, les champignons. Quand elle mangeait des truffes ou qu’elle dépeçait un de ses lapins, on la traitait de sauvage, de barbare. N’empêche, le jour où c’est parti en live, ils étaient tous comme des gamins perdus. Plus d’électricité, plus de plats surgelés, plus de coupe-faim ni de quick-eat. Fallait les voir se lamenter ! Y en a pas mal dans le village qui sont morts de faim : trop fiers pour venir voir Nina. Les autres lui valent une fière chandelle, remarque. C’est elle qui m’a transmis tous ces petits secrets qui font de moi un être si exceptionnel !
- Tu parles ! T’as surtout eu du bol de connaître des paysans. Bon, on mange, propose Valérie. »
Chacun avait loué Nina et ses formules magiques, puis ils avaient mangé avec plaisir, dans la bonne humeur et l’odeur de festin. Cela ressemblait à une vieille carte ou une photo, sur laquelle on voit encore des gens assis ensemble à une table, pour partager un repas. Ici, les convives sont jeunes, débraillés et tatoués mais comme sur les images d’antan, on sait à leurs yeux qu’ils sont vivants et heureux de vivre. Une joie non feinte, sans sourire de convenance ni rire forcé. Seul Alex semble plus taciturne, moins enclin à s’amuser. C’est parce qu’il ne peut s’empêcher de penser à ce que vivent les intégrés. Au moment des événements, il avait un peu plus de vingt ans, comme Valérie et Pierre, mais lui habitait en ville. Et il y retourne trop souvent pour oublier la vie qu’ils mènent là-bas. Cela le rend triste de savoir. Pierre et Valérie ont été élevés ensemble par toute une troupe de théâtre de rue. Leurs parents sentirent le battement d’aile du papillon, et en prévision de la tempête à venir ils avaient opté pour une occupation sensée de leur temps : ils crachaient du feu, jonglaient et déambulaient à dix mètres du sol, au lieu de fabriquer des conneries. A l’époque les autres, ceux qui croyaient dur comme fer à la réalité des marchés et de la télé se foutaient de leur gueule. C’étaient des saltimbanques modernes, les amuseurs d’un public exigeant et souvent ignorant. Mais ce choix de vivre délibérément en marge s’avéra salvateur, car quand ça a commencé à déconner, les liens solides qu’ils avaient tissés dans toute l’Europe servirent de base au premier réseau d’organisation parallèle. Valérie et Pierre ont toujours connu la liberté. Ils sont conscients de ce que cela signifie et savent d’ailleurs à merveille disperser alentour la force et l’amour qui les animent. Alex les admire. Près d’eux, il sait que l’humanité persiste, et résiste à l’assaut des ego. Mais il peut aussi estimer la marge qui les isole des intégrés, et cette marge est telle que cela provoque en lui une tension parfois insoutenable. Il a du mal à croire que son action, que leurs actions, aient quelques chances d’amener une intégrée à être, après tant d’années passées à paraître. Il désespérait devant la lutte à mener, il savait qu’il n’en récolterait pas les fruits, et cela le minait. Pour Jean, c’était encore différent. Plus âgé qu’eux, il vivait son sort comme la grande aventure de sa vie. Lui, se foutait des intégrés et de leur vie merdique. Un beau jour, il avait tout balancé d’un coup pour repartir à zéro, et après huit ans de galères, il était enfin tombé sur les bonnes personnes. C’est pour ça que lorsqu’Alex se morfond sur le devenir de ses contemporains, ça l’agace. C’est ce qu’il appelle le syndrome de l’intégration, comme un mal du pays. Selon lui, si Alex refuse de vivre sa liberté, c’est parce qu’il n’a pas bien tranché ses anciens liens. Il considère, pour l’avoir fait lui-même, que si réellement les intégrés le veulent, ils peuvent tout changer. Mais il est aussi conscient que tout le monde n’est pas prêt en même temps, pour vivre libre. Il sait bien que de nombreux humains ont encore besoin de se référer à une autorité qui les dépasse. Qu’elle soit religieuse, politique ou économique. Cela les rassure de savoir que quelqu’un sait ce que eux ne savent pas. Ils délèguent leur responsabilité et se contentent de consommer. Sous prétexte de payer, ils exigent que l’on s’occupe d’eux, qu’on les conseille, qu’on les soigne, qu’on les nourrisse, qu’on les distrait, qu’on les flatte, qu’on leur raconte des histoires le soir, avant d’aller au lit. Pour Jean, Alex est un romantique, un solaire attiré par la Lune qui souffre de la dualité du monde. Mais au fond il l’aimait bien, et parfois, il racontait au micro ses souvenirs d’intégré. C’est le moyen qu’Alex avait trouvé pour donner du sens à leur passé : archiver, fixer leur mémoire, et témoigner devant les générations à venir de ce qu’ils avaient vu, et vécu.
chapitre 3
La fabrication des cerfs-volants est le domaine réservé de Jean. C’est le plus habile de ses mains, le plus habitué à manier la scie et la clef de dix. Par souci de légèreté il utilise de fins roseaux liés ensemble pour former l’armature. Il tend dessus la toile, découpée dans un parachute ensuite il fixe la boîte à chaussures qui contient les tracts. Une trappe fermée par du velcro permet l’ouverture à distance grâce à un filin indépendant. Il suffit d’attendre que le vent porte l’engin à une dizaine de mètres du sol pour déclencher le mécanisme. La pluie de papier inonde alors la zone, en quelques secondes. Quand tout est prêt, ils chargent la voiture. Alex s’installe au volant, seuls Pierre et Valérie l’accompagnent. Pour Jean, il est hors de question de retourner en ville pour le moment, il s’y sent trop mal et de toute façon a autre chose à faire. Au passage, Alex signale le verger à Valérie et promet de s’arrêter au retour. Le brouillard qui monte du ruisseau camoufle encore les arbres. Pierre reste silencieux, se concentrant sur ce qu’il allait faire. Car c’est peut-être leur vingtième tractage et ils s’en sortent toujours, mais en réalité, tout dépend de lui. S’il estime mal la vitesse du vent ou sa direction, le cerf-volant peut s’écraser en une seconde sur les passants, ruinant l’opération et les forçant à un départ précipité. Alors pour se concentrer, il respire doucement, sentant son diaphragme se soulever, tendant son corps et son esprit pour préparer l’action tout à l’heure. Ils rejoignent le réseau par l’aire du Volvestre, et s’engagent sur l’antique autoroute. L’asphalte est déserte. Le soleil réchauffe le sol humide et l’on entend en dessous les flaques, affolées, effrayées par l’effet des roues. Sous le premier pont Alex remarque les caméras, braquées sur la circulation. A l’arrière, Pierre déplie la capote. Dans le ciel soudain dégagé ils voient alors courrir à vive allure de beaux nuages blancs, signe d’une éclaircie durable. Valérie ne peut s’empêcher de rire à leur barbe pour les saluer. Contrôle 212 à centrale. Contrôle 212 à centrale. Véhicule non borné repéré. Type : Peugeot 404. Couleur : beige. Direction nord. Je répète : direction nord.
L’air leur frictionne les oreilles. Pierre vérifie la boîte, sa fixation sur l’armature et enfin l’attache velcro. Tout est en place. Prêt à l’emploi. Ils approchent. Alex choisit de contourner le centre ville pour remonter vers le lieu de tractage derrière une zone pavillonnaire. Il roule lentement, pour éviter les ornières. Des grillages isolent la vieille route d’un environnement hostile. Vue d’en haut, elle fait comme un trait de verdure, taillant de travers un puzzle géométrique. Dans ce quartier, toutes les maisons préfabriquées sont disposées en lignes régulières délimitant pour chacun un carré de pelouse en rouleau. Certains ont creusé un trou d’eau : signe de prospérité, d’autres ont construit des garages pour protéger leur véhicule. L’ensemble est desservi par de larges allées de goudron rouge, sur lequel il est plus aisé de s’exercer à la trottinette. Les arbres sont absents, remplacés par des réverbères et les enfants jouent sagement, presque sans bouger, sans crier, sans gesticuler ni rire, ni même pleurer.
Centrale à toutes les voitures. Centrale à toutes les voitures. Véhicule non borné identifié. Type : Peugeot404. Couleur : beige. Immatriculation : 3486 ATJ 09. Ordre de filature secteur nord-est. Je répète ordre de filature secteur nord-est.
Ils arrivent en vue du pont. L’ouvrage, long de près d’une centaine de mètres constitue la meilleure piste d’envol qu’ils aient trouvée pour le moment. De là, le vent pousse toujours les tracts vers les rues commerçantes des quais, parfois certains glissent même jusqu’à la gare. Cette fois-ci, le message est clair. Le slogan est destiné à montrer aux spéculateurs que le marché reste dépendant des consommateurs. C’est aussi une injonction mesurée, un conseil promulgué, une règle révélée, censée faire cesser les attaques insensées menées par l’ego contre une Terre, fatiguée de supporter les caprices d’un genre humain. STOP CONSOMMATION.
Voiture 62 à centrale. Voiture 62 à centrale. Patrouillons dans le secteur. Ordre bien reçu. Je répète ordre bien reçu.
Pierre évalue le vent, le hume, le caresse pour s’en faire l’ami. Puis il rabat complètement la capote et libère le cerf-volant. Valérie l’aide en soulageant l’avant de l’appareil pendant qu’il s’installe assis, le dos calé par la banquette. Ils posent l’engin sur l’air et Pierre s’habitue à le maintenir, à un ou deux mètres de la voiture. Quand il le sent bien gonflé, pressé de s’élever, il lâche un peu de mou. L’aile blanche part en flèche. En un instant, elle est à dix mètres du sol. Des rafales brèves et fortes la poussent alors hors de l’axe de la route, Pierre tente de l’accompagner en pivotant pour ne pas croiser les commandes, mais le vent, trop irrégulier malmène l’engin. C’est en accélérant un peu qu’Alex le replace au dessus d’eux, parallèle au pont. Valérie comprend qu’ils ne pourront l’amener plus haut sans risquer de le perdre elle tire d’un coup le fil déclencheur. Voiture 62 à centrale. Voiture 62 à centrale. Repérons cerf-volant, je répète : cerf-volant repéré. Secteur fluvial. Point d’attache au sol évalué à moins d’un kilomètre. Nous dirigeons sur zone. Je répète : nous dirigeons sur zone. Au même instant, les tracts inondent le ciel. L’essaim de papier fond sur les passants à la fois surpris et ébahis que quelque chose vienne du ciel. Eux qui d’ordinaire marchent en lustrant le sol du regard, les voilà qui présentent soudain au soleil un visage radieux et enfantin. Cela ne dure pas. Après s’être échangé quelques regards incrédules, ils baissent à nouveau la tête pour lire :
STOP CONSOMMATION
Peu osent cueillir un bout de papier, mais tous ont l’inconscient impressionné comme un négatif, par le slogan salvateur. Et dans la journée la plupart se vanteront d’avoir vécu quelque chose d’extraordinaire. C’est sans doute ainsi que les messages circulent le mieux : inconsciemment d’esprit à esprit.
« Opération réussie, je répète opération réussie » Pierre avait failli lâcher prise au moment du largage : moins lourd, le cerf-volant prenait le large ; mais il mettait un point d’honneur à le maintenir en prise jusqu’à la libération du dernier tract. Alors seulement il pouvait laisser les commandes et sa joie s’échapper, relâchant enfin la tension accumulée. Arrivés en bout de pont, ils s’engagent dans une rue fréquentée pour s’éclipser. Le toit est en place, rien ne les signale, si ce n’est leur mine réjouie. Voiture 62 à centrale. Voiture 62 à centrale. Véhicule repéré, je répète : véhicule repéré. Trois individus à bord. Rien d’anormal à signaler, je répète : rien d’anormal à signaler. Demande d’interception ?
Valérie repère la patrouille sur la droite, débouchant à vive allure. Elle se met à leur hauteur, sur le réseau parallèle. Aucun des trois ne regarde dans sa direction, pour éviter de croiser l’oeil de la caméra. « Centrale à voiture 62. Centrale à voiture 62. Négatif, je répète négatif. Ordre de filature. A vous.
- Voiture 62 à centrale, message bien reçu. Début de filature : treize heures quarante-neuf. Direction sud-est. »
Sans les lâcher, la patrouille ralentit un peu pour se placer derrière, à quelques dizaines de mètres. Alex sait qu’ils n’ont plus rien à craindre jusqu’à l’aire de sortie. Il reprend le périphérique, et roule à vitesse autorisée vers le sud. Valérie passe alors à l’arrière, où Pierre roule une cigarette en commentant son exploit. Ils se chamaillent pour l’allumer, gigotant d’un bord à l’autre de la banquette. Cela pourrait passer pour un enfantillage de plus, mais Alex leur rappelle que la patrouille les filme en permanence. En réaction, ils se baissent complètement, disparaissant derrière les sièges. Cela ne les empêche pas de rire à l’étouffée, alternant baisers et longues inspirations. Ils n’acceptent de remonter qu’une fois sortis de la ville, quand Alex se gare enfin, dans l’herbe.
« Voilà donc ton verger ? Tu sais que je suis venue pour ça. J’espère que les oiseaux n’ont pas tout bouffé. »
Valérie plonge vers les fruitiers, débarrassés de l’ouate du matin. Elle court dans l’allée par sauts de biais, comme le font les enfants heureux. Puis elle s’arrête, les laissant la rejoindre. Elle cueille une pomme jaune. Un instant, elle hésite à rejouer la scène du péché, puis se ravisant préfère citer Twain avec style, pour les accueillir dans ce nouveau monde, ce paradis :
« Tout parait mieux que ça ne l’était hier. Dans la précipitation de l’achèvement, on avait laissé les montagnes déchiquetées et quelques plaines si encombrées d’ordures et de débris que leur aspect était fort inquiétant. La hâte ne va pas aux belles et nobles oeuvres d’art ; or ce monde neuf et majestueux est assurément un ouvrage très noble et beau. Et il est sûrement très proche de le perfection, malgré la rapidité de sa réalisation. On compte trop d’étoiles à certains endroits et pas assez à d’autres, mais on va sans doute y remédier un de ces jours. La Lune s’est détachée hier soir, elle a glissé, est sortie du cadre - c’est une très grave perte ; j’en ai le coeur brisé rien que d’y penser. Il n’y a pas d’autres ornements ni de décoration qui lui soient comparables pour la beauté et le lustre. On aurait dû mieux l’accrocher. Si seulement on pouvait la récupérer ... »*
* : Mark Twain. Le journal d’ève. éd. mille et une nuits n°56.
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david vial : STOP CONSOMMATION
dimanche 14 février 2010
http://librairiemobile.org/spip.php?article8
STOP CONSOMMATION David Vial
- n° 06 - éd...Accueil du site > david vial > david vial : STOP CONSOMMATION
david vial : STOP CONSOMMATION
dimanche 14 février 2010
http://librairiemobile.org/spip.php?article8
STOP CONSOMMATION David Vial
- n° 06 - éditions Key Largo - janv. 2oo1 2 euros éd. Key Largo - Terre Blanque - 31470 ST-LYS ISBN : 2-9517237-5-X dépôt légal : octobre 2oo1
disponible sous Licence Creative Commons
chapitre 1
Le type a l’air jeune, la trentaine, grand, les cheveux châtains presque roux, en bataille sur le crâne. Il descend d’une voiture du passé, prend l’angle de la rue et remonte vers l’est. La patrouille continue sa route, laissant à une autre le soin de poursuivre la filature. Alex, le type, pousse la porte d’un drugstore. Il demande si son tampon est prêt. Commandé la veille par téléphone, l’objet a bien été livré, avec un box d’encre offert. Pour vérifier le motif, il réclame une feuille au commerçant, qui lui en sert une à l’effigie de coca. Alex presse le caoutchouc contre le box et vise le logo rouge. STOP apparaît en majuscules, police : charter one. Content du résultat, il froisse la feuille et la balance dans le poêle, qui brûle au milieu de la boutique. « Pas chaud hein !? » lâche-t-il en sortant.
Direction nord-est - secteur fluvial.
Se laissant porter par le trafic, Alex se roule une cigarette. Il sourit mais son visage est quand même grave, décidé. Quelques instants plus tard, il se gare devant un nouveau drugstore.
47 ème rue droite - n° 356
Alors qu’il entre là, un flic en civil entre dans le précédent. S’approchant du comptoir, il montre sa carte et pose des questions sur le type, qui vient de sortir. Le commerçant livre aussitôt le bon de commande, et révèle l’empreinte demandée par le client : STOP en majuscules, police : charter one. De son côté, Alex fait quelques pas vers un présentoir rouillé. Il interrompt un employé occupé à le garnir de chargeurs de tous modèles, qui finit par poser son portable, pour consulter l’écran tactile. « Oui, c’est fait. » Il fouille alors, et sort une caisse en bois de sous le comptoir. Dedans, il trouve le paquet. Là, Alex se sert : il prend un prospectus sur une pile et essaye le tampon. S’inscrit en majuscules : CONSOMMATION. Satisfait, il laisse le prospectus. En ressortant il inspire à fond avant de s’engouffrer dans une voiture. Puis il repart tranquille, se fondant dans le flot, respectant les limites. Toutes les voitures du passé, comme celle que conduit Alex, sont tenues de circuler sur un axe parallèle, non équipé de rails électros. Les routes d’asphalte ne sont d’ailleurs plus entretenues depuis plusieurs années. Il arrive qu’un véhicule abandonné reste là des mois avant d’être enlevé par les services de voirie, mais cela ne gêne que les utilisateurs de ces routes, ceux qui vivent encore dans le passé, ceux qui conduisent des vieilles bagnoles. Sur le périphérique, Alex songe à semer la patrouille. Il sait qu’il est filé chaque fois qu’il vient en ville, et il s’en fout. Les flics se contentent de le suivre, après l’avoir repéré sur un écran. C’est une sorte de contrat tacite entre ceux du dehors et les Brigades Municipales : si tu te tiens à carreaux, ils ferment les yeux. Ce qu’ils détestent, c’est la nouveauté, l’inconnu. Il vaut donc mieux utiliser le même véhicule auquel ils s’habituent, et qu’ils surveillent de loin, pour s’occuper. Alex file vers le sud. Il lui reste une dizaine de bornes à parcourir, avant de franchir la porte de la ville. Sur sa droite, les vaisseaux électriques glissent à vive allure, sans bruit, sans heurt, car le flux automobile est dense mais cependant régulé. Chaque véhicule, privé ou public, est en effet équipé d’une borne, le reliant au réseau. Cette borne multifonctions donne la position géographique, et reçoit des instructions qui font varier la vitesse, en fonction du trafic. Le conducteur ne s’occupe plus que du guidage. C’est un fameux progrès ! Une avancée technologique qui conduirait à grands pas les intégrés vers un futur toujours plus pratique, toujours plus efficace. Toutefois, l’attribution des bornes reste à ce jour soumise à certaines conditions : toute demande doit s’accompagner d’un justificatif de domicile en ville, la voiture à équiper doit avoir moins de cinq ans et surtout, il faut une carte créditée. Or Alex n’a pas de carte. Pour l’adresse en ville, il pourrait s’arranger. Mais pour la voiture, une carte est nécessaire. Pas de carte, pas de crédit ; pas de crédit, pas de voiture. Et pour avoir une carte, il faut d’abord vendre son temps. C’est cela qu’ils appellent être intégré : disposé à vendre son temps en échange d’une carte, qui permet d’accéder à tout ce que le progrès produit comme confort, comme distractions. Cela fait maintenant sept ou huit ans qu’on est passé à cette carte unique. L’objet devait être le nouveau symbole de la liberté individuelle. Personnelle, elle contient les renseignements suivants, saisis sur le plastique :
- état civil - nom - prénom - date et lieu de naissance
- adresse - téléphone - e-mail
- formations - compétences - savoir-faire - emplois exercés
- permis de conduire - laisser-passer
- données bancaires - judiciaires - notariales
- bilan de santé - groupe sanguin - compatibilités tissulaires
Viennent s’y ajouter les contrats d’assurances et de location, les crédits en cours, la fonction de clef universelle et bien sûr de carte de paiement. Toute la lourdeur administrative levée d’un coup, par la mise en cohérence de données fragmentées ; la liberté retrouvée pour des millions de citoyens perdus dans cette société libérale post-Kafkaïenne du début du siècle ; une révolution, censée reconstituer le tissu social en gommant les apparences de l’inégalité. On avait voté le passage à la carte par référendum. L’état devait ensuite les fabriquer : une par individu, une par citoyen légal du pays. Mais les banques bloquèrent le processus. Elles refusèrent de cautionner les endettés et ceux qui avaient eu un accident bancaire récent. Selon elles, ces personnes n’ont pas conscience de la valeur de l’argent et cette forme de déficience met en danger la société. On ne peut faire confiance à ceux qui prennent à la légère les fluctuations de leur compte, et même, dans la mesure où l’on mettait en commun l’ensemble des réserves d’argent, il leur paraissait acquis qu’un seul faux mouvement pourrait mettre en péril tout l’édifice. Les banquiers étaient tombés d’accord pour gérer les comptes de tous les habitants du pays, mais il fallait auparavant exclure ceux qui risquaient de déclencher une catastrophe, en déséquilibrant les flux par leurs frasques. L’état avait cédé, malgré les soulèvements populaires. C’est comme ça que les interdits bancaires, les faillitaires, les sur-endettés furent sacrifiés sur l’autel de réformes fatales, menant à une mondialisation globale pilotée par les tenants des bons modèles économiques. Ils furent de facto exclus des villes et vinrent grossir les rangs de ceux qui n’avaient plus ni carte ni chéquier, depuis déjà longtemps ; Alex avait fait partie de la charrette. Environ deux kilomètres avant le check-point se trouve une aire de repos accessible uniquement par la vieille route. La station a brûlé lors des événements et la végétation reprend le dessus, soulevant le bitume et brisant le béton. L’endroit est désert. Alex ralentit un peu et laisse passer la patrouille, sur l’autre axe. Elle l’attendrait plus loin sur la bande d’arrêt d’urgence mais il ne réapparaîtrait pas, et finalement, ils n’auraient qu’à mettre dans leur rapport : trace perdue à hauteur de l’aire du Volvestre à dix-sept heures vingt-quatre. Cela justifierait leur incompétence. Cette aire était vite devenue un passage privilégié, pour entrer en ville ou en sortir discrètement. Derrière le rideau de végétation part une route secondaire, un ancien accès de service qui permet de rejoindre les routes départementales. Cela mène bien loin du périmètre d’intervention des Brigades Municipales qui doivent, pour continuer à suivre une voiture sans borne, utiliser un hélico ou une visée satellite : très coûteux, très peu utilisé. De toute façon, les flics se fichent pas mal de savoir où il va. Il peut bien aller au diable pourvu qu’il dégage le secteur sans faire de vague. Leur seule préoccupation est que les non-intégrés ne fassent pas d’histoire le temps de leur présence en ville, et qu’ils y restent le moins longtemps possible. Ils ont comme consigne de signaler les déplacements et les endroits fréquentés par tout individu venu de l’extérieur, ensuite d’autres se chargent d’analyser et de recouper ces informations. Jugeant s’être assez éloigné du fracas de la ville, Alex se gare le long de la route déserte. Il s’étire, fait quelques pas sur la chaussée et remarque en contrebas, un verger. D’un bond il saute le fossé et se retrouve alors dans une allée de pommiers. Redevenus eux-mêmes, les arbres avaient donné des fruits bosselés et rabougris, des pommes petites comme des poings de bébé, à la peau rouge et fripée. Alex en cueille une et la croque, curieux. La saveur acidulée lui laisse un arrière goût sucré et délicat, un goût du passé, inconnu des jeunes intégrés. Tout en mangeant, il continue de marcher dans l’herbe haute, en exploration. L’allée d’arbres s’enfonce loin devant lui vers une rivière, et de chaque côté se trouvent d’autres allées parallèles, séparées par des peupliers. Sans doute devait-on jadis cultiver là toutes sortes de fruits. Etonnant que personne n’ait encore pillé l’endroit, déserté et abandonné depuis les événements. En retournant vers la route Alex se charge d’une petite provision de pommes rouges, puis il note avec précision sur une carte routière la position du verger. Car ce genre de renseignement est rare, pour lui et les siens cela peut être quelque chose de très précieux.
Chapitre 2
A hauteur de Sainte-Croix, Alex allume une radio de campagne, un ancien modèle de l’armée espagnole. Elle crache un son tordu, rapide, électronique. Il reconnaît le style de Pierre et sourit. Il l’imagine, perché sur ses machines, le corps battant le rythme, les mains mêlant les sons, malmenant les boutons. Dans une heure environ, il l’aura rejoint, lui et les autres membres de la tribu qu’ils forment tous non-intégrés associés pour occuper une baraque isolée juchée sur un sommet. Ils avaient tout de suite installé une radio pirate dont le rayon d’émission délimitait leur champ d’influence. Alex savait donc en entendant ce son qu’il arrivait, qu’il était en territoire ami.
« Alors, comment ça c’est passé ?
- Bien, j’ai les tampons. En rentrant, j’ai découvert des fruitiers. ça vaudrait le coup de faire un stock de pommes ou de poires, à mettre en compote. » Valérie éclate de rire. « Méfie-toi, on risque de te prendre au mot. »
Ils sont assis à table, dans une cuisine ouverte sur l’extérieur. Au sol, des carreaux multicolores composent des motifs réguliers, hypnotiques. Jean entre, au moment où Alex déballe son butin de pommes. Il s’exclame ravi, et d’une bouchée en avale une entière, tout heureux de la surprise. En mâchant il farfouille dans les boîtes pour sortir et essayer les tampons. STOP CONSOMMATION.
« - Parfait, dit-il, ça va faire un malheur ! On s’y met ? »
L’idée d’Alex est simple : il s’agit de découper des milliers de rectangles de papier, d’y apposer le slogan puis, quand il y en a assez, d’aller les tracter en ville. Pour cela, ils avaient mis au point un ingénieux système d’aile volante, qui permettait de hisser les tracts au dessus de la ville. Il suffisait de tirer un loquet pour qu’ils s’échappent, et tombent en pluie à des dizaines de mètres à la ronde. C’est comme ça qu’ils faisaient leur propagande révolutionnaire. L’astuce est d’ailleurs très efficace et peu dangereuse, car quand une patrouille repère un cerf-volant en l’air, c’est trop tard : déjà les tracts dégringolent et les types ont disparu, abandonnant l’engin au vent. Jean et Alex s’installent dans l’atelier, pour massicoter des bandes de papier.
« Comment c’était en ville ?
- Comme d’hab, les intégrés ont toujours le regard aussi vide, ils ne voient rien ni personne ; ça me fout le cafard. Je me demande si ce que nous faisons en touche un sur mille, en tout cas, ceux qui nous soutiennent ne se montrent pas trop.
- Ils aimeraient être à notre place. Loin de tout, tranquilles et autonomes...
- Ouais ...
- Ils n’ont qu’à se bouger le cul. »
Après quelques minutes, Alex reprend.
« Et ici, quoi de neuf ?
- Un convoi est passée, ils viennent de Prague et descendent au Portugal.
- Ils voulaient se poser là ?
- Oui, c’est Valérie qui les a eus. Elle les a guidés par radio jusqu’au plateau du Plantaurel. Pour quelques jours, ça ira.
- Tu sais ce qu’ils ont ?
- Ils ont des champis et les troquent contre de la viande ou des épices. Mais je crois qu’on est à sec - ou limite.
- Et contre des fruits ? Des pommes ?
- A voir, j’en sais rien. »
Ils mettent trois bonnes heures à découper méticuleusement des carrés de dix sur dix puis quand c’est fait, ils retournent dans la maison où Pierre et Valérie cuisinent en chantant Boris Vian. A leur arrivée, dans la cuisinière de fonte, le feu soudain siffle si fort qu’il finit par l’emporter. Tous les quatre éclatent de rire et le bois crépite, pour conclure.
« Vous en êtes où, demande Pierre ?
- On a le papier, on a les tampons. On mange et on s’y remet. C’est quoi ? réclame Jean en soulevant un couvercle.
- Pas touche ! dit Valérie. Mettez donc la table, je vous sers. C’est du sanglier aux cèpes, une recette de sa grand-mère.
- De ma grand-tante, rectifie Pierre. Elle s’appelait Nina, une vraie sorcière dans l’âme.
- Une sorcière ?
- Oui. En fait, on la surnommait ainsi car c’était la seule à la ronde qui savait encore utiliser les plantes, les champignons. Quand elle mangeait des truffes ou qu’elle dépeçait un de ses lapins, on la traitait de sauvage, de barbare. N’empêche, le jour où c’est parti en live, ils étaient tous comme des gamins perdus. Plus d’électricité, plus de plats surgelés, plus de coupe-faim ni de quick-eat. Fallait les voir se lamenter ! Y en a pas mal dans le village qui sont morts de faim : trop fiers pour venir voir Nina. Les autres lui valent une fière chandelle, remarque. C’est elle qui m’a transmis tous ces petits secrets qui font de moi un être si exceptionnel !
- Tu parles ! T’as surtout eu du bol de connaître des paysans. Bon, on mange, propose Valérie. »
Chacun avait loué Nina et ses formules magiques, puis ils avaient mangé avec plaisir, dans la bonne humeur et l’odeur de festin. Cela ressemblait à une vieille carte ou une photo, sur laquelle on voit encore des gens assis ensemble à une table, pour partager un repas. Ici, les convives sont jeunes, débraillés et tatoués mais comme sur les images d’antan, on sait à leurs yeux qu’ils sont vivants et heureux de vivre. Une joie non feinte, sans sourire de convenance ni rire forcé. Seul Alex semble plus taciturne, moins enclin à s’amuser. C’est parce qu’il ne peut s’empêcher de penser à ce que vivent les intégrés. Au moment des événements, il avait un peu plus de vingt ans, comme Valérie et Pierre, mais lui habitait en ville. Et il y retourne trop souvent pour oublier la vie qu’ils mènent là-bas. Cela le rend triste de savoir. Pierre et Valérie ont été élevés ensemble par toute une troupe de théâtre de rue. Leurs parents sentirent le battement d’aile du papillon, et en prévision de la tempête à venir ils avaient opté pour une occupation sensée de leur temps : ils crachaient du feu, jonglaient et déambulaient à dix mètres du sol, au lieu de fabriquer des conneries. A l’époque les autres, ceux qui croyaient dur comme fer à la réalité des marchés et de la télé se foutaient de leur gueule. C’étaient des saltimbanques modernes, les amuseurs d’un public exigeant et souvent ignorant. Mais ce choix de vivre délibérément en marge s’avéra salvateur, car quand ça a commencé à déconner, les liens solides qu’ils avaient tissés dans toute l’Europe servirent de base au premier réseau d’organisation parallèle. Valérie et Pierre ont toujours connu la liberté. Ils sont conscients de ce que cela signifie et savent d’ailleurs à merveille disperser alentour la force et l’amour qui les animent. Alex les admire. Près d’eux, il sait que l’humanité persiste, et résiste à l’assaut des ego. Mais il peut aussi estimer la marge qui les isole des intégrés, et cette marge est telle que cela provoque en lui une tension parfois insoutenable. Il a du mal à croire que son action, que leurs actions, aient quelques chances d’amener une intégrée à être, après tant d’années passées à paraître. Il désespérait devant la lutte à mener, il savait qu’il n’en récolterait pas les fruits, et cela le minait. Pour Jean, c’était encore différent. Plus âgé qu’eux, il vivait son sort comme la grande aventure de sa vie. Lui, se foutait des intégrés et de leur vie merdique. Un beau jour, il avait tout balancé d’un coup pour repartir à zéro, et après huit ans de galères, il était enfin tombé sur les bonnes personnes. C’est pour ça que lorsqu’Alex se morfond sur le devenir de ses contemporains, ça l’agace. C’est ce qu’il appelle le syndrome de l’intégration, comme un mal du pays. Selon lui, si Alex refuse de vivre sa liberté, c’est parce qu’il n’a pas bien tranché ses anciens liens. Il considère, pour l’avoir fait lui-même, que si réellement les intégrés le veulent, ils peuvent tout changer. Mais il est aussi conscient que tout le monde n’est pas prêt en même temps, pour vivre libre. Il sait bien que de nombreux humains ont encore besoin de se référer à une autorité qui les dépasse. Qu’elle soit religieuse, politique ou économique. Cela les rassure de savoir que quelqu’un sait ce que eux ne savent pas. Ils délèguent leur responsabilité et se contentent de consommer. Sous prétexte de payer, ils exigent que l’on s’occupe d’eux, qu’on les conseille, qu’on les soigne, qu’on les nourrisse, qu’on les distrait, qu’on les flatte, qu’on leur raconte des histoires le soir, avant d’aller au lit. Pour Jean, Alex est un romantique, un solaire attiré par la Lune qui souffre de la dualité du monde. Mais au fond il l’aimait bien, et parfois, il racontait au micro ses souvenirs d’intégré. C’est le moyen qu’Alex avait trouvé pour donner du sens à leur passé : archiver, fixer leur mémoire, et témoigner devant les générations à venir de ce qu’ils avaient vu, et vécu.
chapitre 3
La fabrication des cerfs-volants est le domaine réservé de Jean. C’est le plus habile de ses mains, le plus habitué à manier la scie et la clef de dix. Par souci de légèreté il utilise de fins roseaux liés ensemble pour former l’armature. Il tend dessus la toile, découpée dans un parachute ensuite il fixe la boîte à chaussures qui contient les tracts. Une trappe fermée par du velcro permet l’ouverture à distance grâce à un filin indépendant. Il suffit d’attendre que le vent porte l’engin à une dizaine de mètres du sol pour déclencher le mécanisme. La pluie de papier inonde alors la zone, en quelques secondes. Quand tout est prêt, ils chargent la voiture. Alex s’installe au volant, seuls Pierre et Valérie l’accompagnent. Pour Jean, il est hors de question de retourner en ville pour le moment, il s’y sent trop mal et de toute façon a autre chose à faire. Au passage, Alex signale le verger à Valérie et promet de s’arrêter au retour. Le brouillard qui monte du ruisseau camoufle encore les arbres. Pierre reste silencieux, se concentrant sur ce qu’il allait faire. Car c’est peut-être leur vingtième tractage et ils s’en sortent toujours, mais en réalité, tout dépend de lui. S’il estime mal la vitesse du vent ou sa direction, le cerf-volant peut s’écraser en une seconde sur les passants, ruinant l’opération et les forçant à un départ précipité. Alors pour se concentrer, il respire doucement, sentant son diaphragme se soulever, tendant son corps et son esprit pour préparer l’action tout à l’heure. Ils rejoignent le réseau par l’aire du Volvestre, et s’engagent sur l’antique autoroute. L’asphalte est déserte. Le soleil réchauffe le sol humide et l’on entend en dessous les flaques, affolées, effrayées par l’effet des roues. Sous le premier pont Alex remarque les caméras, braquées sur la circulation. A l’arrière, Pierre déplie la capote. Dans le ciel soudain dégagé ils voient alors courrir à vive allure de beaux nuages blancs, signe d’une éclaircie durable. Valérie ne peut s’empêcher de rire à leur barbe pour les saluer. Contrôle 212 à centrale. Contrôle 212 à centrale. Véhicule non borné repéré. Type : Peugeot 404. Couleur : beige. Direction nord. Je répète : direction nord.
L’air leur frictionne les oreilles. Pierre vérifie la boîte, sa fixation sur l’armature et enfin l’attache velcro. Tout est en place. Prêt à l’emploi. Ils approchent. Alex choisit de contourner le centre ville pour remonter vers le lieu de tractage derrière une zone pavillonnaire. Il roule lentement, pour éviter les ornières. Des grillages isolent la vieille route d’un environnement hostile. Vue d’en haut, elle fait comme un trait de verdure, taillant de travers un puzzle géométrique. Dans ce quartier, toutes les maisons préfabriquées sont disposées en lignes régulières délimitant pour chacun un carré de pelouse en rouleau. Certains ont creusé un trou d’eau : signe de prospérité, d’autres ont construit des garages pour protéger leur véhicule. L’ensemble est desservi par de larges allées de goudron rouge, sur lequel il est plus aisé de s’exercer à la trottinette. Les arbres sont absents, remplacés par des réverbères et les enfants jouent sagement, presque sans bouger, sans crier, sans gesticuler ni rire, ni même pleurer.
Centrale à toutes les voitures. Centrale à toutes les voitures. Véhicule non borné identifié. Type : Peugeot404. Couleur : beige. Immatriculation : 3486 ATJ 09. Ordre de filature secteur nord-est. Je répète ordre de filature secteur nord-est.
Ils arrivent en vue du pont. L’ouvrage, long de près d’une centaine de mètres constitue la meilleure piste d’envol qu’ils aient trouvée pour le moment. De là, le vent pousse toujours les tracts vers les rues commerçantes des quais, parfois certains glissent même jusqu’à la gare. Cette fois-ci, le message est clair. Le slogan est destiné à montrer aux spéculateurs que le marché reste dépendant des consommateurs. C’est aussi une injonction mesurée, un conseil promulgué, une règle révélée, censée faire cesser les attaques insensées menées par l’ego contre une Terre, fatiguée de supporter les caprices d’un genre humain. STOP CONSOMMATION.
Voiture 62 à centrale. Voiture 62 à centrale. Patrouillons dans le secteur. Ordre bien reçu. Je répète ordre bien reçu.
Pierre évalue le vent, le hume, le caresse pour s’en faire l’ami. Puis il rabat complètement la capote et libère le cerf-volant. Valérie l’aide en soulageant l’avant de l’appareil pendant qu’il s’installe assis, le dos calé par la banquette. Ils posent l’engin sur l’air et Pierre s’habitue à le maintenir, à un ou deux mètres de la voiture. Quand il le sent bien gonflé, pressé de s’élever, il lâche un peu de mou. L’aile blanche part en flèche. En un instant, elle est à dix mètres du sol. Des rafales brèves et fortes la poussent alors hors de l’axe de la route, Pierre tente de l’accompagner en pivotant pour ne pas croiser les commandes, mais le vent, trop irrégulier malmène l’engin. C’est en accélérant un peu qu’Alex le replace au dessus d’eux, parallèle au pont. Valérie comprend qu’ils ne pourront l’amener plus haut sans risquer de le perdre elle tire d’un coup le fil déclencheur. Voiture 62 à centrale. Voiture 62 à centrale. Repérons cerf-volant, je répète : cerf-volant repéré. Secteur fluvial. Point d’attache au sol évalué à moins d’un kilomètre. Nous dirigeons sur zone. Je répète : nous dirigeons sur zone. Au même instant, les tracts inondent le ciel. L’essaim de papier fond sur les passants à la fois surpris et ébahis que quelque chose vienne du ciel. Eux qui d’ordinaire marchent en lustrant le sol du regard, les voilà qui présentent soudain au soleil un visage radieux et enfantin. Cela ne dure pas. Après s’être échangé quelques regards incrédules, ils baissent à nouveau la tête pour lire :
STOP CONSOMMATION
Peu osent cueillir un bout de papier, mais tous ont l’inconscient impressionné comme un négatif, par le slogan salvateur. Et dans la journée la plupart se vanteront d’avoir vécu quelque chose d’extraordinaire. C’est sans doute ainsi que les messages circulent le mieux : inconsciemment d’esprit à esprit.
« Opération réussie, je répète opération réussie » Pierre avait failli lâcher prise au moment du largage : moins lourd, le cerf-volant prenait le large ; mais il mettait un point d’honneur à le maintenir en prise jusqu’à la libération du dernier tract. Alors seulement il pouvait laisser les commandes et sa joie s’échapper, relâchant enfin la tension accumulée. Arrivés en bout de pont, ils s’engagent dans une rue fréquentée pour s’éclipser. Le toit est en place, rien ne les signale, si ce n’est leur mine réjouie. Voiture 62 à centrale. Voiture 62 à centrale. Véhicule repéré, je répète : véhicule repéré. Trois individus à bord. Rien d’anormal à signaler, je répète : rien d’anormal à signaler. Demande d’interception ?
Valérie repère la patrouille sur la droite, débouchant à vive allure. Elle se met à leur hauteur, sur le réseau parallèle. Aucun des trois ne regarde dans sa direction, pour éviter de croiser l’oeil de la caméra. « Centrale à voiture 62. Centrale à voiture 62. Négatif, je répète négatif. Ordre de filature. A vous.
- Voiture 62 à centrale, message bien reçu. Début de filature : treize heures quarante-neuf. Direction sud-est. »
Sans les lâcher, la patrouille ralentit un peu pour se placer derrière, à quelques dizaines de mètres. Alex sait qu’ils n’ont plus rien à craindre jusqu’à l’aire de sortie. Il reprend le périphérique, et roule à vitesse autorisée vers le sud. Valérie passe alors à l’arrière, où Pierre roule une cigarette en commentant son exploit. Ils se chamaillent pour l’allumer, gigotant d’un bord à l’autre de la banquette. Cela pourrait passer pour un enfantillage de plus, mais Alex leur rappelle que la patrouille les filme en permanence. En réaction, ils se baissent complètement, disparaissant derrière les sièges. Cela ne les empêche pas de rire à l’étouffée, alternant baisers et longues inspirations. Ils n’acceptent de remonter qu’une fois sortis de la ville, quand Alex se gare enfin, dans l’herbe.
« Voilà donc ton verger ? Tu sais que je suis venue pour ça. J’espère que les oiseaux n’ont pas tout bouffé. »
Valérie plonge vers les fruitiers, débarrassés de l’ouate du matin. Elle court dans l’allée par sauts de biais, comme le font les enfants heureux. Puis elle s’arrête, les laissant la rejoindre. Elle cueille une pomme jaune. Un instant, elle hésite à rejouer la scène du péché, puis se ravisant préfère citer Twain avec style, pour les accueillir dans ce nouveau monde, ce paradis :
« Tout parait mieux que ça ne l’était hier. Dans la précipitation de l’achèvement, on avait laissé les montagnes déchiquetées et quelques plaines si encombrées d’ordures et de débris que leur aspect était fort inquiétant. La hâte ne va pas aux belles et nobles oeuvres d’art ; or ce monde neuf et majestueux est assurément un ouvrage très noble et beau. Et il est sûrement très proche de le perfection, malgré la rapidité de sa réalisation. On compte trop d’étoiles à certains endroits et pas assez à d’autres, mais on va sans doute y remédier un de ces jours. La Lune s’est détachée hier soir, elle a glissé, est sortie du cadre - c’est une très grave perte ; j’en ai le coeur brisé rien que d’y penser. Il n’y a pas d’autres ornements ni de décoration qui lui soient comparables pour la beauté et le lustre. On aurait dû mieux l’accrocher. Si seulement on pouvait la récupérer ... »*
* : Mark Twain. Le journal d’ève. éd. mille et une nuits n°56.
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Plus
Quant à la planète, jusqu'à preuve du contraire, elle n'est qu'un amas de ressources exploitées de façon co...
le com de H est ce qu'il est, mais il va pas achever le monde à lui tout seul
mais s'il est pas tout seul a dire ce genre de... trucs, faudrait pas qu'il se prenne dans lague ce que tous les autres reunis méritent non plus