Pas un jeu, plus qu'un art

Le hip hop n'est pas ce qui passe en radio.
Le hip hop c'est du style, du mouvement, de la couleur sur les fringues et sur les murs.
Le hip hop c'est de la danse, de la passion.
Le hip hop c'est de l'écriture, de la tchatche, de l'expression.
Le hip hop c'est un mode de vie.

Quand vous entendez l'expression "old school" ayez cela en tête. Le regret ne porte pas sur la manière de faire la musique ou sur le choix des sonorités, la nostalgie nait de la disparition de l'utopie.

Dur à croire quand on subit du trap et du rap de droite à longueur de temps, je sais, pourtant le hip hop était et reste porteur de messages d'espoir, de révolte et d'appel à la prise de conscience.

On est un petit nombre à penser qu'il est triste qu'en sortant de la cave le hip hop y ait laissé une part de son essence ; enfermé à l'ombre il nous faisait rêver d'un futur meilleur et l'envisageait par l'émancipation des
frères et sœurs (réminiscence du Black power?) puis, à son évasion, il ne s'est plus soucié que de prendre de grandes
bouffées d'air. Pas de chance, l'air était saturé du libéralisme le plus sauvage et ce qui devait arriver, arriva : la solidarité s'est faite remplacée par l'individualisme ambiant. Sinistre tableau, n'est il pas?

Sinistre car incomplet.

Le hip hop est une création culturelle comme les autres ; comme la presse ou internet, il a une façade mainstream sans cœur, sans os, sans chair non plus et loin derrière cette barrière de maquillage et de tissu ornés de marques il y a quelque chose d'éthéré, d'impalpable et pourtant puissant, quelque chose qui durera toujours.

Cette chose qui fait que, même un siècle après, les véritables œuvres continuent à nous toucher. Âme, esprit, valeurs... Mille noms ont désignés cette chose, aujourd'hui il faut l'appeler hip hop.
Extrait de L'effroyable imposture de l'effroyable imposture(1), un billet critique sur un livre publié en 2013 par KontreKulture qui, sans surprise, reprend tous les poncifs mettant au ban le rap et les mâtine, et ça c'est du bonus mais toujours pas une surprise Wink, d'une bonne dose de complotisme et d'antisémitisme.


"Entendons-nous bien. Critiquer la manière dont le mouvement hip hop a été récupéré par l'industrie capitaliste et la politique est une intention plus que louable, je dirais même nécessaire. Pointer du doigt la façon dont certains acteurs de ce mouvement (j'insiste sur le mot mouvement parce que Cardet prétend qu'il s'agit d'une religion et je n'ai pas eu le temps de faire ma prière à base popopopop ces derniers jours) se sont fait des couilles en platine, en fonçant la tête la première dans le système qu'ils prétendent combattre, me paraît essentiel. Dénoncer le machisme, l’intolérance, l'apologie de la violence, le narcissisme, l'homophobie, l'usage de drogue ou la béatification du gangstérisme serait également d'utilité publique à la fois pour la survie de cette musique et l'exemple sur les plus jeunes. Seulement voilà, il s'agit d'une partie émergée de l'iceberg. Oublier ceux qui se battent en sous-sol et qui ne passent ni sur Skyrock ni sur MTV démontre que l'on n'a pas affaire à un travail de recherche sérieux mais à un ratissage de surface gavé jusqu'à la glotte de préjugés et d'idéologie (même si j'ai pas bien compris laquelle)."

[NDLA : Les passages mis en gras l'ont été par mes soins]

L'ED, au sens large(2), condamne avec véhémence le rap et toute la culture hip-hop, elle y voit la décadence et les graines de la chienlit, elle ne dira jamais les véritables raisons de cette haine ; jamais elle n'avouera qu'entendre une pensée lucide et articulée s'élever des ghettos et, donc, des minorités, lui est insupportable ; jamais elle ne fera une distinction entre ceux qui appellent à l'individualisme le plus atroce et ceux qui cherchent à éclairer leur situation particulière pour que l'ensemble de la population connaisse les fractures qui existent en son sein, cela reviendrait à reconnaitre que la condamnation générale du rap est une forme de censure imposée à toute une part de la population.

(1) http://blogs.mediapart.fr/blog/monsieur-sai/270313...

(2) Pas seulement les groupuscules mais aussi les membres de la fameuse, et présente à l'Assemblée nationale, Droite forte.
Sûrement plus que toutes les autres musiques le hip hop souffre du système des majors. Lui, par malheur, est naît après leur avènement, il eut à peine le temps de faire ses premiers pas que déjà il attisait leur convoitise ; en sortant de son berceau, NY, il était enfant star, maquillé, grimé, défiguré pour devenir télévisuel, acceptable, quelconque.

Le hip hop s'est construit ainsi, sans connaître son véritable visage, en regardant l'image choisie par d'autres, pour d'autres, il n'était qu'une silhouette télégénique, il a servi à vendre des baskets, des casquettes et autres ex symboles de gang, les folies vestimentaires de ceux qui cherchaient à s'affirmer par le style, devinrent normes, marqueurs d'authenticité, clichés publicitaires sans raison d'être si ce n'est le chiffre d'affaires de quelques uns.

En une dizaine d'années le petite éruption sub urbaine se répercuta au niveau mondial, relayée pendant une poignée de temps par des passionnés et des opportunistes avant d'être amplifiée, au point d'en devenir méconnaissable, par les rachats compulsifs des grands studios.

Parmi ceux qui ont initié le mouvement, un grand nombre fut exclu, les groupes montés de toutes pièces furent nombreux et la plupart de leurs membres n'étaient que des "amateurs" de hip hop, pas des artistes besogneux et créatifs(1). Si ce déracinement a permis une extension fulgurante, il a également causé une rupture : De recherche du cool, le hip hop est devenu réponse. A son arrivée dans la Californie sinistrée l'icône privée d'âme s'en inventa une : le gangsta rap.



(1) Le mythique Rapper's Delight http://www.donotlink.com/hq9q ,premier hit hip hop, en est un très bon exemple "Les amateurs de Sugar Hill Gang n'avaient jamais eu de DJ. Assemblés dans le New Jersey en une après midi, ils étaient une création de studio et n'étaient jamais monté sur une scène avant que leur single devienne un tube radio.[...] Rapper's Delight était taillé sur mesure pour voyager, pour être parfaitement accessible à des gens qui n'avaient jamais entendu parler du rap, du hip hop ou du Bronx." Can't stop Won't stop, Jeff Chang, p 171