Sortie du film "La dette", projection.

Sortie du film "La dette", projection.

Heure
Vendredi, 29 Septembre 2017 19:25 - Dimanche, 1 Octobre 2017 22:30
Lieu
ESPACE SAINT-MICHEL
7, place Saint-Michel
Paris
75005
France
Marker
Créé par
Sortie du film : La dette
du 25-09 => 1er-10 | Paris, France
LA DETTE de Sophie MITRANI et Nicolas UBELMANN
Mercredi/Vendredi/Dimanche/Lundi/Mardi : 13h15, 14h40, 16h00, 17h25 et 20h30
Jeudi/Samedi : 14h40, 16h00, 17h25 et 20h30

Mercredi 25, Première à 20h30 (" La Dette ") en présence du réalisateur Nicolas Ubelmann , de Vincent Glenn et de l’équipe de DHR, suivie d’un débat.
Jeudi 26, séance de 20h30 (" La Dette ") suivie d’un débat avec le réalisateur Nicolas Ubelmann , Vincent Glenn et l’équipe de DHR.
Samedi 28, séance de 16h (" La Dette ") suivie d’un débat avec le réalisateur Nicolas Ubelmann.

Dimanche 29, séance de 17h25 (" La Dette ") suivie d’un débat avec le réalisateur Nicolas Ubelmann.

Mardi 1er Octobre séance de 17h25 (" La Dette ") suivie d’un débat avec Daniel Rome, économiste Attac, Patrick Saurin Sud BPCE et CADTM (Auteur d’un livre sur les prêts toxiques) et William Lambert.



LA DETTE, de Sophie MITRANI et Nicolas UBELMANN

SORTIE NATIONALE : 25 Septembre 2013

1h10 – France– 2013


SYNOPSIS

En 2010, la crise de la dette éclate en Grèce, et se propage peu à peu sur tout le continent, menaçant les fondements mêmes de l’Union Européenne. Mais d’où vient la dette ? Quelles logiques et quels intérêts se cachent derrière ce mot ? Fruit de trois années d’enquête, le film tente de répondre à ces questions et montre comment le privilège de la création de monnaie a peu à peu été pris en main par les banques au détriment des États.

Au cœur de la " crise " qui menace l’édifice européen, sa monnaie et l’avenir de ses peuples, il y a ce qu’on appelle " la dette publique ". Pas un jour qui passe sans que l’on évoque les risques mortels portés par ce monstre menaçant notre avenir proche. Incongrues, excessives, nos dépenses publiques alimenteraient une dette exponentielle pouvant désormais exploser d’un jour à l’autre.

Éditorial

Depuis plus de 20 ans en Europe, la réponse des élites économiques a pour nom " austérité " : réduire les dépenses, trouver de nouvelles recettes en privatisant partout où c’est possible. Sanctions des agences de notation Agences de notation Les agences de notation (Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch en tête) sont des agences privées qui évaluent la solvabilité et la crédibilité d’un émetteur d’obligations (État, entreprise). Jusqu’aux années 1970 elle étaient payées par les acheteurs potentiels d’obligations, depuis la libéralisation financière la situation s’est inversée : ce sont les émetteurs d’obligations qui rémunèrent les agences pour qu’elles les évaluent... Reconnaissons leur qualité de travail : c’est ainsi que Lehman Brothers se voyait attribuer la meilleure note juste avant de faire faillite. aidant, la voie à suivre semble couler de source pour les gouvernements européens qui se sont succédés ces dernières années. Ils obéissent au sens général donné par les textes de l’Organisation mondiale du commerce : moins d’Etat, plus de privé, plus de pouvoir à la finance, moins de régulation protégeant les citoyen-ne-s et leur trésor public. Pourtant, tout projet collectif - route, crèche, collège, bibliothèque, jardin public - ne relève-t-il pas d’un pari sur l’avenir qui suppose endettement et remboursement ? Les dettes, mesurées, ne sont pas nécessairement nocives. Alors pourquoi cette panique entretenue, pourquoi cette culpabilisation, pourquoi maintenant ?

Tout récemment, des villes américaines se sont déclarées en faillite, et certains responsables politiques ont maintes fois affirmé que des pays riches comme l’Italie, le Portugal ou la France encourent dorénavant le même risque. Inutile de recourir à une théorie du complot pour voir qu’un tel danger sert efficacement d’argument pour céder de nouveaux pans de la richesse publique aux détenteurs de capitaux.

L’appauvrissement collectif que nous vivons en tant que citoyens bénéficiant de moins de services sociaux, de moins de personnel dans les hôpitaux, ou de moins d’argent public pour la culture, ne vient pas de nulle part, et n’est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde. Le PIB, au plan mondial, continue d’augmenter, les pollutions aussi, et le mot " crise " ne recouvre pas les mêmes réalités selon que l’on se trouve du côté des actionnaires ou des sans-emplois.

A moins d’une transition vers une autre économie, poste, énergie, transports, hôpitaux, universités, sont promis à la même transformation de services publics en entreprises lucratives dont les critères de réussite seront indexés, non sur la qualité et l’accessibilité pour tou-te-s, mais sur le volume de profit dégagé pour les actionnaires. Un peu partout déjà, militants, syndicalistes, mais aussi entrepreneurs ou économistes hétérodoxes nous interpellent sur les aspects mortifères de l’économie contemporaine(1). En particulier, ils mettent l’accent sur la question des biens communs. La monnaie ne fait-elle pas ou ne devrait-elle pas faire partie de ces biens communs ? C’est un des sujets abordés dans le film de Sophie Mitrani et Nicolas Ubelmann, film conçu principalement autour de deux questions : d’où vient la dette et d’où vient la monnaie ? On trouvera avec ce film un outil au service du débat. Un accompagnement, dans tous les lieux où l’agora est possible, des individus et collectifs désireux de se documenter. Il n’y a pas de conclusion simple à en tirer, mais plutôt une invitation à devenir expert en démystification.

Pour un audit citoyen sur la dette - Savoir ce que l’on doit, à qui, et si c’est légitime.

Depuis 2012, des dizaines de milliers de personnes se sont engagées en faveur d’un audit citoyen, autrement dit la réalisation d’une sorte de cadastre de la dette, savoir ce que l’on doit, à qui, et si c’est légitime. Il est possible de penser et pratiquer une transformation sociale désirable et à taille humaine. Celle-ci va en sens inverse du rouleau compresseur médiatique qui justifie aujourd’hui la mise en place de mesures régressives : d’une part, des coupes violentes dans les salaires, dans les pensions, dans les services publics, et des attaques sur le droit du travail ; de l’autre, un statu quo inacceptable sur la régulation de la finance. Un des objectifs principaux du Collectif pour un audit citoyen de la dette publique consiste à fournir des outils de mobilisation pour dénoncer cette " arnaque " de la dette. Pour que, dans les têtes, ne s’impose pas le fatalisme et pour contrer l’idée qu’il n’y a pas d’alternative à l’austérité, il est plus que jamais nécessaire d’agir, au niveau européen, national et local. A commencer par signer et faire circuler la pétition : www.audit-citoyen.org (plus de 60 000 signatures à ce jour). ■

Economie et biens communs - Jean Gadrey, professeur d’économie à l’université de Lille

Le capitalisme s’est historiquement développé sur la base (entre autres) de la privatisation de biens naturels " communs " c’est-à-dire en propriété commune : terres, forêts, eau, sources d’énergie… Cette privatisation a conduit à une surexploitation ne se souciant pas du long terme. Cela continue aujourd’hui, sous des formes renouvelées : conquête des pôles, gaz de schiste, forages en eau profonde, mégabarrages, privatisation de semences et gènes, déforestations massives, accaparement des terres, y compris en Europe… Or je ne vois pas comment sortir de la crise écologique sans reprendre le contrôle collectif, public, " communal " ou coopératif, de ces biens naturels communs, en tout cas les plus vitaux, y compris le climat avec ses multiples déterminants. Pour l’instant, les acteurs dominants du capitalisme s’y opposent farouchement. Ils nous parlent d’un capitalisme vert, ce qui signifie, pour eux, une privatisation toujours croissante de ces bien communs.

Les dirigeants politiques libéraux ont également privatisé la monnaie et le crédit, qui devraient être eux aussi des biens communs, moyennant quoi la finance libéralisée a créé tous les outils d’une spéculation permanente sur tout, d’un endettement privé puis public monstrueux, rendant impossibles les investissements de la transition. On ne s’en sortira pas sans remettre les pouvoirs financiers à des pôles publics ou coopératifs. D’autant que la financiarisation est en train de s’étendre à la nature, avec la création de nouveaux marchés financiers et produits dérivés visant à transformer des communautés pauvres, mais riches en ressources naturelles, en fermiers ou métayers producteurs de " services écologiques ", au grand bénéfice des rentiers et spéculateurs.

L’addiction à la croissance
Le capitalisme a besoin de croissance perpétuelle de la production et de la consommation, un peu comme une drogue, et il est aujourd’hui en manque, donc très mal, et agressif. Il dépense 500 milliards de dollars par an pour injecter dans les " cerveaux humains disponibles " des substances publicitaires hallucinogènes conduisant à des confusions mentales entre le futile et l’utile, entre les besoins réfléchis et les impulsions d’achat. Le tout au nom de la relance perpétuelle, qui est consubstantielle à son principe d’accumulation. Deux autres stupéfiants accompagnent le dopage à la croissance : les énergies fossiles, facteur majeur de croissance et de gains de productivité, et le " libreéchangisme ", une idéologie et une pratique de " libre dumping " qui recouvrent du manteau de la liberté des stratégies de domination des multinationales entendant acquérir tout pouvoir de mise en concurrence des territoires et des peuples de la planète. Ces trois drogues sont mortelles pour l’environnement. En résumé, et sachant que des arguments non écologiques que je ne mentionne pas ici sont aussi décisifs, je rejoins Edgar Morin : " On ne va pas remplacer le capitalisme par un coup de baguette magique mais on peut refouler sa zone de domination absolue ". Je complète ainsi : " en mettant hors de portée de sa logique de surprofits et de rente les biens communs vitaux, écologiques mais aussi sociaux (protection sociale, égalité des sexes…) ". Quelles configurations pourraient prendre une économie et une société pratiquant un tel " refoulement ", pratiqué au nom des biens communs ? Il s’agit de conjectures, mais il faut bien se lancer. Le premier refoulement est la " définanciarisation " de l’économie et de la société, en liaison avec la mise à mal du pouvoir totalitaire des (grands) actionnaires sur l’économie. C’est la mesure la plus urgente et c’est aussi la plus crédible parce que des forces diverses y poussent déjà, allant bien au-delà de ceux qui critiquent le capitalisme. Imaginons à quel point le contrôle socialisé du crédit pourrait contribuer à réorienter l’investissement vers les urgences de la " transition " à long terme, et non sur la base de la " valeur pour l’actionnaire ".

La mise sous tutelle du pouvoir actionnarial, qui sera déjà freiné par la définanciarisation, est également crédible parce qu’on a connu dans le passé des formes de capitalisme où ce totalitarisme n’existait pas. Mais cela ne peut suffire. Les multinationales continueraient à mettre les territoires de la planète en concurrence et à jouer sur des " avantages comparatifs " dont l’autre nom est le dumping social, écologique, fiscal et démocratique. Il faudra donc d’autres mesures, dont la fin des accords dits de libre-échange, qui sont en réalité des accords d’échange inégal et de domination impériale des grands intérêts privés. Il importe aujourd’hui de mettre en échec le projet monstrueux de " partenariat " transatlantique, qui n’est pas le seul existant ou en cours d’élaboration.

À terme ?

Je verrais bien à terme un capitalisme qui ne serait plus qu’un des piliers, non dominant, régulé selon des normes sociales et écologiques, d’une économie plurielle. Une économie qui serait fondée sur différents secteurs, public, coopératif, associatif, avec des PME, des artisans, des paysans, des professions libérales, le tout financé en fonction du long terme et de l’intérêt général par des banques socialisées. Avec également un très important secteur d’activités bénévoles, citoyennes, volontaires, locales ou en réseau, favorisées par la réduction du temps de travail sur l’ensemble de la vie, parfois associées à des activités économiques salariées ou indépendantes, parfois autonomes. Il s’agirait d’économies plurielles avec un secteur capitaliste non dominant réalisant des profits raisonnables et réinvestis dans des projets soutenables. L’écologie ne peut selon moi être compatible qu’avec un segment de capitalisme circonscrit et mis sous la tutelle de la démocratie, via des normes. Pour l’instant, c’est plutôt la démocratie, y compris au sein des entreprises, qui fonctionne, ou plutôt dysfonctionne, sous la tutelle du capitalisme et de ses normes de profitabilité.

Ensuite ? Une extinction du capitalisme peut-elle être pensée ? Des coopératives partout ? Je n’en sais rien, mais j’observe que tous les modes de production contiennent des survivances des anciens. Cela dit, personne ne peut sérieusement penser qu’il faille attendre une extinction du capitalisme pour engager la transition écologique et sociale. Il faut la lancer vite, dans le système tel qu’il est, et c’est en chemin que l’on verra comment faire avec, ou comment défaire, le capitalisme. D’ici là, des gens très différents auront des occasions de coopérer pour " refouler la zone de domination absolue du capitalisme " sur la société, la nature et la finance. Et au coeur de ces alliances, on trouve la défense de biens communs essentiels, gérés en commun, donc la démocratie revivifiée.

ENTRETIEN AVEC SOPHIE MAITRANI ET NICOLAS UBELMANN
Le film " La Dette " s’est tissé sur une période de trois ans. C’est le troisième documentaire co-réalisé par le duo.

Comment êtes-vous arrivé à réaliser ce film ?

Nicolas Ubelmann : J’ai eu un déclic en écoutant une émission sur France Inter, à laquelle participait un petit groupe d’experts économiques. Une auditrice tout à coup, les interpelle : " d’où vient l’argent qu’on va injecter dans les banques pour les sauver ? " Quelques mois auparavant Fillon déclarait être à la tête d’un Etat en faillite, les caisses étaient soi-disant vides, mais subitement, on avait trouvé plus de 400 milliards pour sauver les banques... L’auditrice n’a pas obtenu de réponses à sa question. Il y a eu comme un blanc du côté des experts puis des explications embrouillées, et enfin l’animateur a clos en disant " bon écoutez c’est très compliqué, on n’a pas vraiment compris, excusez-nous ". J’ai alors tapé une question sur internet : " d’où vient l’argent ? ", et là je suis parti pour trois ans ! Le film entier est notre recherche pour répondre à cette question. De site en site, de livre en livre, nous nous sommes plongés dans les mécanismes de création de la monnaie.

Sophie Mitrani : Le sujet nous avait intrigué beaucoup plus tôt, dès 1996. Nous étions partis au Sénégal, avec Nicolas, pour tourner un film qui questionnait l’aide au développement. A l’époque, on entendait dire que l’Afrique noire était " mal partie " malgré les milliards investis dans la coopération et le développement. A cette occasion, nous avions rencontré un Sénégalais professeur en économie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Monsieur Moktar Diouf. Au terme de l’interview, il nous a dit : " on pousse les Etats Africains à s’endetter toujours davantage, afin de pouvoir toujours davantage les contrôler ". Presque 20 ans après, je trouve que cette analyse de l’endettement des pays pauvres fait écho à la réalité de la situation européenne aujourd’hui.

S’agit-il d’un film consacré à la dette ou à la monnaie ?

N.U. : C’est un film sur les deux parce que les deux sont intimement liées. La monnaie n’est créée que parce qu’il y a des emprunteurs. et des prêteurs. Par ailleurs, la dette rapporte beaucoup d’argent, pas à tous, mais pour certains, c’est une aubaine, en particulier pour ceux qui ont les moyens de prêter à l’Etat. Il existe un livre qui s’appelle " La Dette, une affaire rentable ? ". C’est en effet une affaire tout à fait rentable pour les prêteurs, principalement, les banques et fonds de pension qui reçoivent en retour des intérêts. Chaque année en France, plus de 40 milliards d’euros sont payés au titre de ces intérêts. C’est l’équivalent de tout l’impôt sur le revenu qui est versé à des créanciers, dont en plus on ignore à peu près tout. C’est délirant !S.M. : Notre documentaire n’est pas non plus un film à charge contre " les banques ", c’est une réflexion, conduite à plusieurs, sur le système monétaire et les mécanismes de l’endettement. On a d’ailleurs failli l’intituler " le système dette ". C’est un film qui interpelle les citoyens et nos élus en particulier : jusqu’où sommes-nous vraiment contraints de nous laisser entrainer dans la dépendance vis à vis des banques ? Le fait de laisser la Banque centrale européenne totalement libre de décider des taux directeurs, de la quantité de monnaie qu’elle injecte dans l’économie, cela relève d’un choix politique. Notre film questionne ce choix. Il nous a permis de chercher à comprendre pourquoi et comment lors des dernières décennies, ce choix a été fait, dans quelles conditions, sous quelles impulsions.

La Banque centrale européenne statutairement indépendante des parlements, ne joue-t-elle pas un rôle de contre-pouvoir face aux comportements électoralistes et inflationnistes des politiques ?

N.U. : Il ne s’agit pas de remettre en cause ce rôle de contrepouvoir mais plutôt les pleins-pouvoirs laissés à la Banque centrale européenne. La seule justification donnée pour cette indépendance totale du politique, c’est le fameux spectre de l’inflation. C’est ce qu’on enseigne au lycée, on apprend en effet qu’il ne faut pas faire trop de monnaie, etc. Et effectivement, on met dans la balance le risque que les Etats usent et abusent de la planche à billets. Comme c’est arrivé en particulier dans les années 1920 en Allemagne. A cette époque, ce pays a connu l’hyperinflation, avec des prix qui doublaient ou triplaient dans la journée. Donc ça a créé un traumatisme chez les Allemands. Ils avaient d’ailleurs abusé de la planche à billets pour rembourser une dette suite au diktat de Versailles. Donc ce traumatisme là existe, et comme c’était la période qui a conduit Hitler au pouvoir, l’inflation constitue un épouvantail puissant qui justifie qu’on ne fasse pas confiance aux Etats pour imprimer la monnaie et surtout, pour utiliser la monnaie comme un des instruments pour maîtriser l’économie. En réalité, contrairement aux idées reçues, c’est surtout la déflation qui a conduit les Nazis au pouvoir et c’est l’endettement de l’après Première Guerre mondiale qui a conduit à l’hyperinflation des années 1920. Des contrepouvoirs, oui mais de là à priver totalement les élus politiques de l’outil monétaire, on arrive aujourd’hui à une planche à billets privée, il y a sans doute des pratiques plus mesurées à trouver !

Votre plus grosse surprise au cours des trois ans passés à réaliser ce film ?

S.M. : Peut-être la découverte que par rapport à des sujets économiques faisant appel à un jargon sophistiqué, les choses importantes à comprendre sont relativement simples. Par exemple, pourquoi cette présentation quasi systématique qu’il ne faut absolument pas d’inflation, qu’une monnaie doit être forte, etc. ? C’est essentiellement parce que de puissants acteurs financiers y ont intérêt : quand la monnaie est forte, cela avantage les détenteurs de capitaux et les rentiers. En trois ans, nous avons bien vu que de plus en plus de nonspécialistes cherchent à comprendre, à dissiper les rideaux de fumée produits par les milieux d’affaire et les élites économiques. Nous avons constaté que même des sujets qui font appel à des technologies complexes peuvent être définis avec des mots compréhensibles par le plus grand nombre. N.U : Ce qui m’a frappé, c’est l’importance quotidienne de l’argent dans nos vies, et notre ignorance sur son origine, son histoire, ses fonctions… Très jeune, par exemple, nous intégrons l’idée que l’argent est rare, et qu’il faut l’économiser. D’où vient cette " évidence ", est-elle fondée ? Le plus surprenant, c’est d’un côté l’omniprésence de la monnaie et de l’autre, ses fondements, qui restent invisibles, au sens qu’ils ne sont presque jamais discutés sur la place publique. Pourtant, tout est sous nos yeux si nous souhaitons y voir plus clair.

Peut-on dire que votre film est une invitation à réfléchir sur les frontières entre privé et public dans le domaine monétaire ?

S.M. : Quand on regarde les billets de banque européens, ce n’est pas un politique qui le signe, c’est Mario Draghi, donc, un ancien cadre de la Goldman Sachs, une incarnation du pouvoir bancaire, sans aucune tutelle publique. Quand on connaît le rôle de Goldman Sachs tout au long de la crise et en particulier dans la déstabilisation de la Grèce, on ne trouve pas très rassurant que ce soit ce genre d’individu qui dirige la Banque centrale européenne...

Comment caractérisez-vous votre démarche de documentariste, un travail militant, une volonté de vulgariser, un regard critique ?

S.M. : J’aime bien cette phrase de Sydney Pollack : " Il y a deux manières de faire des films : expliquer aux gens ce que vous avez découvert, ce que vous savez, ou bien essayer de comprendre des choses que vous ne connaissez pas. " Pour moi la dette ça a été un peu les deux. Je pense que réformer le système n’est pas techniquement si compliqué, comme par exemple séparer vraiment les banques de dépôt et les banques d’investissement. Quand on voit toutes les monnaies dites complémentaires existantes, ça a parfois sauvé des économies dans l’Histoire, en Suisse notamment. La monnaie est un standard d’échange sur lequel s’accorde une communauté donnée. Ce devrait être un simple outil dédié à stimuler les échanges. Si à force de servir l’argent et ceux qui le détiennent, on arrive à un appauvrissement collectif et des super-pollutions, c’est sans doute qu’il faut reformuler en profondeur les termes du débat et des enjeux.

N.U. : Ce film apporte des réflexions à partir de questions simples : qui fabrique l’argent ? Qui décide ? J’ai l’impression d’être sorti d’une sorte de coma intellectuel, comme si je découvrais subitement les ingrédients qui composent un aliment que je mange tous les jours. Comme si les pièces éparses d’un puzzle venaient de trouver leur place et former une image lisible. Les déficits publics, le chômage, le besoin de croissance, les crises financières, tout cela est relié à la façon dont nos sociétés créent la monnaie. C’est cette découverte que nous avons eu envie de partager en faisant ce film.

Propos recueillis par V. Glenn & G. Lebel

http://ladettelefilm.blogspot.fr/

DISTRIBUTEUR  : DHR DISTRIBUTION http://cooperativedhr.fr/

Voir en ligne : http://espacesaintmichel.free.fr/horaires/films.ph...

Source : http://cadtm.org/Sortie-du-film-La-dette


ESPACE SAINT-MICHEL
7, place Saint-Michel / 75005 Paris
métro Saint-Michel
Tél : 01 44 07 20 49