MANIFESTE DES ENRAGÉS

MANIFESTE DES ENRAGÉS
(extraits)

La liberté n'est qu'un vain fantôme quand une classe d'hommes peut affamer l'autre impunément. L'égalité n'est qu'un vain fantôme quand le riche par le monopole exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La république n'est qu'un vain fantôme quand la contre-révolution s'opère, de jour en jour, par le prix des denrées, auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre, sans verser des larmes.
(…)
Les riches seuls, depuis quatre ans, ont profité des avantages de la Révolution. L'aristocratie marchande, plus terrible que l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale, s'est fait un jeu cruel d'envahir les fortunes individuelles et les trésors de la république ; encore ignorons-nous quel sera le terme de leurs exactions, car le prix des marchandises augmente d'une manière effrayante, du matin au soir. Citoyens représentants, il est temps que le combat à mort que l'égoïste livre à la classe la plus laborieuse de la société finisse. Prononcez contre les agioteurs et les accapareurs : Ou ils obéiront à vos décrets ou ils n'y obéiront pas. Dans la première hypothèse, vous aurez sauvé la patrie ; dans le second cas, vous aurez encore sauvé la patrie, car nous serons à portée de connaître et de frapper les sangsues du peuple.
Eh quoi ! Les propriétés des fripons seraient-elles quelque chose de plus sacré que la vie de l'homme ? La force armée est à la disposition des corps administratifs, comment les subsistances ne seraient-elles pas à leur réquisition ? Le législateur a le droit de déclarer la guerre, c'est-à-dire de faire massacrer les hommes, comment n'aurait-il pas le droit d'empêcher qu'on pressure et qu'on affame ceux qui gardent leurs foyers ?
(…)
Jusques à présent, les gros marchands qui sont par principe les fauteurs du crime, et par habitude les complices des rois, ont abusé de la liberté du commerce pour opprimer le peuple. Eh bien ! décrétez constitutionnellement que l'agiotage, la vente de l'argent-monnaie, et les accaparements sont nuisibles à la société.
(…)
Les lois ont été cruelles à l'égard du pauvre parce qu'elles n'ont été faites que par les riches et pour les riches.

Jacques Roux, 1793
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