LE MONDE OU RIEN

LE MONDE OU RIEN

Rencontre avec le Mili, en première ligne des manifs jeunes contre la loi travail

Chaque jeudi du mois de mars, ils ont marché aux côtés d'autres lycéens. Leur nom est sur toutes les bouches dans les cortèges. On les appelle les « Mili » pour « Mouvement Inter Luttes Indépendant ». Si on parle autant d'eux c'est que pour certains ils sont le moteur des blocages de lycées et des manifestations lycéennes, pour d'autres ils ne sont qu'une bande de casseurs masqués qui cherchent le coup de poing avec la police pendant les manifs.
Il est 18 h, c'est le premier jeudi d'avril. Autour de la table, devant les assiettes et les canettes de soda, ils sont quatre membres du Mili à venir raconter leur collectif. Ils donnent des prénoms d'emprunt, Frank, Julien, Pierre, Karim. Ils ont 17, 19 et 20 ans. Il y a un étudiant en histoire, un autre en sociologie, un « travailleur », un lycéen en Terminale S.
On les a sûrement croisés ces dernières semaines dans ces cortèges lycéens qui partent de la place de la Nation, sans les reconnaître derrière les écharpes, sous les cagoules et les masques de ski. Peut-être lors des jets de bouteilles de verre sur les policiers anti-émeute en bas de l'avenue des Gobelins le 24 mars, peut-être lors de la course-poursuite avec la BAC sur le parvis de la Gare de Lyon le 31 mars puis sur le pont de la Gare d'Austerlitz lors d'un face-à-face impressionnant avec les gendarmes mobiles. Ils assument les bagarres, mais refusent qu'on les limite au muscle, à la « casse », revendiquent au-delà une capacité à mobiliser les jeunes lycéens pour « reprendre la rue et la tenir ».

LES DÉBUTS

À l'origine, ils nous expliquent que le « Mouvement Inter Luttes Indépendant » s'appelle le « Mouvement Inter lycéens Indépendant ». Il naît à Paris, pendant des mouvements lycéens de protestation contre des expulsions, connus comme l' « Affaire Leonarda ». On est en 2013, le Mili compte entre 100 et 200 personnes qui se sont constituées en mouvement lors d'une AG qu'ils montent par « manque de confiance dans les autres structures » que sont les syndicats lycéens.
« Ils ne bloquaient pas les lycées », explique Julien en parlant des syndiqués. « Ils faisaient juste le tour avec les médias pour dire 'Regardez ce qu'il se passe'. » Au-delà du problème de représentation médiatique les futurs Mili ont d'autres points de tension avec certains syndicats lycéens : une proximité avec le PS, le carriérisme des leaders, et leurs services d'ordre. « Ils s'en prenaient aux jeunes qui allaient devant et qui se chamaillaient avec la police. » C'est sur ces bases qu'ils posent les principes de leur mouvement, dont leurs horaires de manif, « le fameux 11h00 à Nation » qui fonctionne en ces jours de manifestations lycéennes à Paris.
Passe donc l'affaire Leonarda, le mouvement s'essoufle, et reste alors une base d'une trentaine de personnes. D'autres viendront s'agréger ensuite. Le groupe décide de poursuivre une forme d'engagement politique loin des partis et des syndicats, aux accents anticapitalistes, mais « en refusant de se laisser enfermer dans une case » anarchiste ou communiste. Sur leur page Facebook qui totalise plus de 9 000 likes, l'à propos parle d' « une autre manière de prendre parti pour rompre avec l'isolement ».
Un mois plus tard, les premières actions du Mili ce sont des collectes de nourriture dans les lycées, « en refusant de passer par les CVL » expliquent-ils, c'est-à-dire les Conseils des délégués pour la vie lycéenne. « Parce qu'ils sont élus pour leurs beaux discours, leur popularité, leur capital culturel. » Julien raconte ensuite comment ils ont fait le tour des lycées, comment ils ont cuisiné des repas chez les gens, et redistribué aux SDF.
Arrive ensuite le « Jour de colère », une « grosse manif fasciste » disent les Milis attablés. Ils se mettent alors en relation avec des groupes antifascistes parisiens pour déployer une banderole sur le parcours de la manifestation avec pour inscription « Valls, Marine, opnǝıp, tous des fachos ». Ils se souviennent avoir voulu « déconstruire le discours dieudonniste : ceux qui ne sont pas avec ǝuuopnǝıp sont avec Valls. On voulait retourner le discours, on voulait dire : 'On n'est ni pour Marine, ni pour ǝuuopnǝıp, et c'est pas pour autant soutenir le gouvernement, parce qu'on trouve que ce que dit Valls c'est de la merde. » Une banderole donc, avec fumigènes. Et 40 à 50 personnes qui font cordon de sécurité au cas où les partisans de Jour de colère veulent en découdre.
Fin octobre 2014, Rémi Fraisse meurt d'un tir de grenade offensive, lors d'une manifestation contre le projet de barrage à Sivens. C'est un autre moment fort dans l'histoire du Mili. « À ce moment, on a vraiment notre propre truc, on fait notre propre appel [à manifester], de façon indépendante », raconte Karim. Ils commencent à structurer leur discours, autour des violences policières. Ils dénoncent celles qui visent les milieux militants ou les jeunes des quartiers populaires. « On essaie de faire une jonction entre ce qui peut se passer sur une ZAD [Ndlr, une « zone à défendre »] et ce qu'il peut se passer en ville ». Ils estiment qu'on y est plus soumis aux violences policières quand on est jeune qu'adulte. Ils dénoncent les policiers qui dévisagent, infantilisent lors des contrôles. Ils appellent à nouveau à des blocus avec un certain succès disent-ils.
« C'est pour cela que l'on parle beaucoup de reprendre la rue » poursuit Pierre. Il fait un parallèle entre virer des jeunes d'un hall d'immeuble et en expulser d'autres d'un territoire comme Sivens. Ils entament des échanges et des connexions avec des jeunes des quartiers populaires. En organisant des événements « plus posés ».
Franck raconte des tournois de foot, plus récemment des banquets contre l'État d'urgence et explique : « Je préfère que les gens n'aillent pas en manif, à la limite, mais qu'ils viennent parler avec nous à des banquets contre l'État d'urgence, plutôt qu'ils aillent à la manif et qu'après ils rentrent chez eux et que ça n'ait rien changé pour eux. »

PORTRAIT DES MILI

Qui trouve-t-on aujourd'hui chez les Mili ? Ils sont en ce moment une cinquantaine nous disent-ils, des chiffres qui collent avec ce que l'on a vu en manif, avec des dizaines en plus qui sont là de manière moins formelle. Il y a environ deux tiers de garçons, un tiers de filles. « On ne cherche pas de parité, s'il y a des filles qui veulent être là, elles sont là. S'il n'y a pas de fille sur l'interview, on s'en fout », résume Karim. Les âges tournent autour de la vingtaine, un peu en dessous, un peu au-dessus, lycéens, étudiants, travailleurs.
Le profil de leur milieu social est varié, à l'image de ce que l'on peut trouver dans un lycée de l'Est de la capitale, ou dans une fac parisienne. Les parents peuvent être cadre ou chauffeur routier. « C'est ça qui est bien quand t'es au lycée et à la fac », dit Julien à propos de ce brassage social. « Quand t'es dans le travail, t'es rangé avec des gens de ta condition sociale. » Certains font des sports de combat, « mais pas dans un délire viriliste, pas histoire de démonter des gens.»
Ils expliquent que leur but n'est pas de recruter du monde au maximum, mais veulent être « rejoignables, pas sectaires » résume Pierre. Ils se voient comme un groupe de potes avec un mode de vie politique, entendent montrer que « ce que l'on fait, tout le monde peut le faire ». Ce qu'ils font, cela tient en un mot qu'ils répètent pendant tout le repas : « s'organiser ». Un terme qui englobe une volonté de contrôle de petit territoire conquis sur les espaces administrés par l'État. « On veut aménager du temps et des espaces pour penser la société autrement. » Ils disent ne pas croire au Grand Soir. « La révolution, c'est un mot qui ne veut plus rien dire. Si tu ne le vis pas au quotidien, ça n'a aucun intérêt. Ta durée de vie , c'est 70 piges. Y a peu de chances que tu connaisses un jour une révolution globale, » estime Julien.
La tablée évoque les exemples des ZAD, la Commune de Paris, les mouvements d'autonomie en Italie dans les années 1970. « Ils ont eu ce truc-là, de rupture avec tout ce que le capital peut te voler, par exemple avec les auto-réductions dans les supermarchés. » Franck cite les grèves de paiement d'électricité pour obliger la ville à faire baisser ses tarifs. « On n'est pas anarchistes ou communistes, tout ce qui nous renvoie dans des cases ça nous fait un peu chier. On est 'autonomes' dans le sens où on essaie de ne pas avoir de dialogue avec les institutions étatiques, » dit Julien. Ils ne prônent pas une autogestion ultra-formaliste pour autant, tempère Pierre, comptant d'avantage sur un processus d'organisation naturel. Si le Mili explique ne pas avoir de logique d'extension, il est souvent sollicité par d'autres lycéens dans le reste de la France. Julien salue la création de groupes avec leur propre autonomie « pour que tout le monde ne finisse pas aux Jeunesses Communistes, ou dans des trucs qui vont les dégoûter de la politique au bout de trois ans ».

L'OPPOSITION À LA LOI TRAVAIL

Quand on leur demande pourquoi ils descendent dans la rue au milieu de ce mouvement d'opposition à la loi travail, la réponse ne cible pas directement le projet de la ministre El Khomri. Sur ce mouvement comme sur les précédents, il y a « juste l'envie de créer les conditions d'un truc qui nous déborde, pas de contrôler quelque chose ».
Il s'agit pour eux de se battre non pas contre la « loi travail » mais contre « la loi du travail qui est déjà en place ». Franck parle de ses potes apprentis payés une misère pour plier des vêtements. « Pas besoin de loi travail pour que ton statut d'apprenti ce soit un statut de merde. » Ils dénoncent un chantage à la crise économique. « Aujourd'hui, c'est la loi travail, mais ce pourrait être autre chose ». Et Julien d'énumérer : la ZAD de Sivens, l'État d'urgence, la loi Macron. « On n'est pas là pour tout dégommer, mais pour mettre en place des convergences sociales : lycéens, étudiants, travailleurs, intermittents... »
Ils évoquent leur slogan « Le Monde ou rien », le nom d'une chanson du groupe PNL, que l'on a retrouvé sur de nombreuses banderoles dans toute la France. « Ça veut dire qu'on veut le monde, on ne veut pas se contenter de la place qu'on nous a donné », explique Julien. « On s'en fout d'avoir quelques aménagements, on n'a pas envie de décortiquer le texte dans le détail. Il faut déjà nous sortir de la temporalité dans laquelle on veut nous mettre en nous disant : 'Il y a la précarité, il y a le chômage, on est obligés de faire ça.»
Karim est allé Place de la République tous les soirs de Nuit Debout : « Ça va, on voit qu'ils ont de la volonté, après dans les faits il se passe pas grand-chose. Mais nous on est pour les occupations des places, pour se réapproprier un lieu. Julien ironise sur le fait que les gens viennent seulement après leur journée de travail pour se plaindre des maux du capitalisme. « C'est quoi, tu fais une thérapie de groupe ? L'idée est bonne mais il faut qu'elle soit dépassée. On y va, on y fait des rencontres, on essaie de s'investir. »

LES MANIFESTATIONS

« Les manifs, c'est un peu épuisant » souffle Pierre. La dernière a eu lieu deux jours auparavant, elle a été stoppée au bout de quelques minutes par une charge de la police qui a fait saigner des crânes de jeunes et s'est soldée par une nasse policière pour interpeller plus d'une centaine de personnes, après des jets de projectiles et de pétards côté manifestants. « On ne définit pas ça comme de la violence », précisent-ils tous en choeur. Julien développe : « On se fixe un point A et un point B, et l'objectif c'est d'y arriver, et si sur le chemin il y a des cibles... Une cible c'est une agence d'intérim — les premiers à t'exploiter — ça peut être une banque parce que c'est le symbole type du capitalisme, ça peut être un McDo, parce que c'est de la bouffe de merde. » Ils nient s'attaquer aux voitures ou aux vitrines des petits commerces. « Quand t'es là, tu vois que c'est ciblé, y a un message. »
D'après eux, ces épisodes de violence n'ont pas soulevé de mouvement d'opposition au Mili de la part des lycéens qui manifestent. « Non, non, justement on voit que la plupart des gens qui sont en manif ça ne les dérange pas plus que ça. Les lycéens continuent de venir, ils ne sont pas traumatisés », dit Karim. Ils essaient de rester unis pour ne « pas dissocier les bons et mauvais manifestants, pour ne pas reproduire les schémas imposés par la police ou les médias : le discours sur les 'casseurs'... »
Ils dénoncent en bloc l'utilisation de ce terme. « On voit des titres du genre 'Des manifs lycéennes infiltrées par des casseurs'. Ça crée une différence, comme si les casseurs n'étaient pas des lycéens comme les autres, » explique Karim avant d'enchaîner sur les événements qui ont suivi les violences policières sur un élève du lycée Bergson lors d'un blocage contre la loi travail le mois dernier. « On a vu à Bergson ce qui c'est passé, c'est des lycéens qui sont partis en manif sauvage et qui ont attaqué des commissariats. Ça reste avant tout des lycéens. On essaie de les dépolitiser en disant 'ce sont juste des débiles qui font ça pour s'amuser'.» Et pour Karim, au delà de l'épisode des violences policières, « Ils sont aussi contre la loi travail. Et même s'ils n'arrivent pas à mettre des mots dessus, ce qu'ils font c'est un acte politique. Essayer de réduire ça à des gens qui vont se défouler c'est complètement débile, et c'est ne pas comprendre ce qui se passe dans la jeunesse. »
« Quand j'entends des discours pacifistes et non violents, je peux comprendre parce que parfois ça peut ne pas être stratégique de casser un truc, parce que ça peut mettre en danger le reste de la manif qui ne veut pas être impliqué dans la répression. On fait en sorte d'éviter ça, on reste ensemble dans les manifs, quelles que soient les pratiques», raconte Pierre. Julien nous explique ensuite comment dans les cortèges le Mili essaie de monter une équipe médicale, nous assure qu'ils font de la coordination pour éviter que les cortèges se disloquent. « Quand les gens courent on dit de pas courir, de ne pas s'écraser, on relève les gens, quand il y a des gaz on leur dit de respirer doucement. » Il note que beaucoup savent se débrouiller au bout d'un mois de manif, comme ceux qui apportent des lunettes de piscine pour les gaz lacrymos.
Les Mili ne nient pas les violences, mais dénoncent le fait qu'on essaie de dépolitiser leur geste. Franck dit que s'ils étaient juste des hooligans débiles, ils casseraient des vitrines à trois heures du matin entre potes bourrés pour l'adrénaline. Pour Julien, la véritable violence ce sont les crânes ouverts par les matraques, les hématomes liés aux grenades désencerclantes, et plus loin les échecs scolaires, les petits boulots payés au lance-pierre. Il explique que sur une banderole, quand ils mettent une phrase de Booba « Le ciel sait que l'on saigne sous nos cagoules », c'est « une manière de dire que derrière les cagoules il y a des gens qui saignent, autant physiquement que dans leur vie de tous les jours. »
L'utilisation de punchlines de rappeurs leur a valu un certain succès ces derniers jours sur les réseaux sociaux. « C'est pour expliquer que ce que tu écoutes tous les jours, même s'il peut y avoir des trucs sexistes, eh bien tu peux te le réapproprier, » raconte Julien. « Tu peux faire en sorte que derrière il y ait un message politique. Une manière de dire que tu viens comme tu veux en manifestation : si t'as envie, tu peux écouter du rap, du punk, tu peux danser, jouer de la musique, t'affronter avec la police, viens. »
Le futur du Mili ? Ils expliquent ne pas avoir de visée sur le long-terme, sinon créer des envies de « s'organiser » chez d'autres bandes de potes. « Quand tu vis un mouvement social, ça te marque, » conclut Julien. « Moi je pense que les lycéens qui ont participé aux manifestations ces dernières semaines, c'est des choses qui vont les marquer toutes leurs vies. Ils ne sont pas dans le discours illusoire d'attendre le retrait de la loi, ils se battent au-delà. »
Les canettes sont vidées, ils repartent aussi sec, ils ont un rendez-vous dans quelques minutes. Peut-être pour préparer leur prochaine manif. Ce samedi 9 avril, le Mili veut prendre la tête d'un cortège avec les jeunes, sans demander la permission aux syndicats ou à la Préfecture.

Etienne Rouillon, le 8 avril 2016.
https://news.vice.com/fr/article/le-monde-ou-rien-...


MOUVEMENT INTER-LUTTE INDÉPENDANT

Une autre manière de prendre parti pour rompre avec l'isolement.

Partant de l’évidence que le système s’emploie à nous déposséder de nos vies, que ce soit à travers les galères de thunes, de taf, d’études, le sentiment de non-représentation, l’anxiété et l’ennui généralisé tout juste contenus par l’industrie de la distraction -société de consommation, loisirs, drogues, etc-, il nous semblait indispensable de créer une base permettant aux différentes composantes de la «jeunesse» de rompre avec l’isolement, se rencontrer, s’organiser afin de se mesurer collectivement à ce monde et à sa violence indistinctement matérielle et existentielle.
Le Mouvement Inter Luttes Indépendant (MILI) est un collectif composé de «jeunes» – lycéens, étudiants ou non. qui se démarque radicalement des organisations syndicales et politiques classiques de droite et de gauche par ses objectifs, son fonctionnement et ses modes d’action. Nous rejetons d’une part toute structure hiérarchique et n’avons pas de «programme» clé en main à proposer mais sommes un groupe informel soudé par une sensibilité commune et des positions évoluant sur la base du consensus. Au-delà de l’effort théorique, nous privilégions l’action concrète autour d’axes majeurs qui s’inscrivent dans une dynamique globale de lutte contre le capitalisme et son monde.
Pour nous rejoindre, il suffit de venir vers nous en manifestation, de nous contacter par mail, Facebook ou Twitter.

miliparis@riseup.net
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https://twitter.com/mili__paris
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ON PREND LA RUE ET ON LA LÂCHE PLUS

Lycéen-ne-s, étudiant-e-s, chômeurs-es, travailleurs-es, bloquons tout contre la loi travail !

Trois semaines de blocus. Trois semaines où le nombre de lycées mobilisés n'a fait qu'augmenter à Paris, mais également en banlieue et sur l'ensemble de la France. Les universités sont occupées, bloquées et investies de différentes manières par les étudiants, mais aussi par les travailleurs. La jeunesse a compris que ce n'est pas qu'une loi qui se joue, car la loi du travail c'est le quotidien d'une majorité des Français. Nous ne contestons plus une loi, mais un ensemble qui a amené à la situation actuelle. La victoire n'est plus un simple retrait de la loi, mais un changement sociétal, ainsi que de nos conditions de vie.

Les flics nous empêchent de manifester et n'hésitent pas à nous frapper devant nos lycées et dans les manifestations. Prendre la rue signifie s'organiser pour la tenir. C'est pour ça qu'il faut faire bloc.

Nous lançons un appel au blocage total des établissements pour le jeudi 31 mars, mais nous espérons que chacun puisse se saisir de cette date pour penser des actions et construire une grève s'étalant sur la durée, car une journée de blocage est loin d'être suffisante. Organisons-nous en comité autonome partout où nous le pouvons. Combattons les bureaucraties syndicales, soyons réellement indépendant des structures classiques de la politique, critiquons cette loi pour ce qu'elle est : une régression historique de nos droits sociaux, ainsi qu'une atteinte à la dignité de toutes les personnes qui vont être soumises à des pressions plus grandes et de nouvelles galères.

Quel traitement cette loi nous réserve t-elle ?
• Augmentation du temps de travail pour les apprentis (10h/Jour et 40h/Semaine)
• Le tarif des heures supplémentaires peut être diminué de 5 fois sur simple accord d'entreprise.
• De nouvelles possibilités de licenciement arbitraire
• L'augmentation 10h à 12h de travail par jour sur simple accord
• Plus de garanties pour les congés payés en cas de décès d'un proche (mère, père, sœur, etc.)
• Augmentation du nombre de semaines où l'on peut travailler 44h ou 46h, s'il y a un accord.
• Plus de minimum de dommages et intérêts en cas de licenciement injustifié.

Il y a urgence à amplifier la mobilisation si nous ne voulons plus que nos existences se limitent à réveil, travail, dodo et que l'on nous condamne à survivre. Nous sommes les premiers impactés, c'est à nous de décider et nous réapproprier la question de nos conditions de vie.

Nous appelons de nouveau la jeunesse à se mobiliser le jeudi 31 mars et avant de toutes les façons imaginables. Bloquons les usines, routes, lycées, facultés pour bloquer l’économie et exiger le retrait de cette loi rétrograde.

Rendez-vous pour 11h à Nation pour une manifestation joyeuse et déterminée !

https://youtu.be/xnCM2nNH_jM



MASSIFICATION, PIÈGE À CON

le 27 mars 2016

Massification par-ci, massification par-là. Ils disent même «travail de massification» dans la protestation de la loi «travail». Pas d’efficacité sans travail de massification nous vendent-ils. Pas la première fois que les organisations post-soviétiques nous vendent leur cécité. Ce serait faire insulte aux lycéens et étudiants ayant manifesté que de ne pas voir la terrible efficience qu’ils portent.
Dans les AG, dans les occupations, dans les blocages, dans les tracts imbuvables, ils nous disent tous massification. Bien entendu, plus il y a de monde dans la rue, dans la lutte, plus on est à même de gagner. Merci, on le savait.
Mais c’est en se donnant les moyens d’une force collective qu’on fait masse. C’est en occupant, en bloquant, en manifestant et mille autres moyens, pacifique ou non, qu’on fait plier un gouvernement. D’ailleurs, une obscure chargée de mission sociale du Sénat l’avait dit: «ce n’est pas un million de clics qui font bouger un gouvernement, c’est la rue.». «Nous sommes la rue» est l’écho des lycéens et toute autre personne ayant manifesté ce mois de mars.
Partout, le PS a été attaqué. A Rennes et à Marseille, les gares ont été prises et bloquées. A Paris, brièvement mais surement, un amphithéâtre a été occupé, à Strasbourg également on a vu une tentative d’occupation. 
Massification? Mais elle est là la masse, elle grandit de jours en jours. Nous serons toujours plus nombreux à dire non, à refuser les petits jeux syndicaux et négociateurs et à se méfier des organisations parlant de retrait non-négociables. Car lorsque les miettes tombent, il y en aura toujours pour quelqu’un. Si l’on veut désormais grandir, désormais devenir une puissance, il nous faut 1/ continuer ce que l’on fait 2/ toujours plus multiplier les occupations, les lieux ou la lutte prend temps et espace, des lieux qui tissent et brandissent en dehors de l’urgence.
Disjoindre la nécessité de prendre des espaces de l’importance de devenir masse revient à dire que tout se résoudra dans l’urne ou dans un vote. 
Partout, la gauche est huée. Et si les vieux qui ont voté PS hurlent à la trahison, les jeunes, partout, sifflent et scandent «tout le monde déteste le PS», sans avoir jamais cru à aucune promesse, si ce n’est d’une vie sans avenir ou d’un avenir sans vie. Le conflit ne se résoudra pas par un changement de président, chacun le sait. Ce mouvement qui démarre, ce mouvement dans lequel on chante ensemble contre l’état d’urgence, la précarité, le racisme d’état et un monde meilleur, il n’a que faire d’un futur président. En vérité, il est fait pour marcher sur la tête des chefs, grands ou petits. Ils sont tous là, à parler de massification, les petits chefs, qui se mettent en tête de cortège, drapeaux et photos, et parlent dans les médias. Mais, comme à son habitude, ce mouvement n’a rien à voir avec ce que l’on en dit dans la presse.
Où sont les têtes des petits chefs lorsqu’il y a blocage, de gare, d’avenue, lorsque ça s’arrête, lorsque les flux de la métropole sont interrompus, bref, lorsqu’on bloque l’économie? On ne trouve alors que l’usuelle violence de la police. Violence exacerbée avec l’état d’urgence. Mais maintenant, on l’a compris, la politique c’est l’urgence. Urgence de tabasser, urgence de faire passer les lois, urgence d’inscrire durablement l’urgence. L’urgence c’et maintenant. Mais l’urgence désempare. Et plus ils sont dans l’urgence, plus, paradoxalement, ils nous laissent le temps de construire un mouvement d’ampleur. Car tout le monde sait que ce n’est pas une seule manifestation, le 31, qui changera la donne. Tenir cela pour acquis, une bonne fois pour toute, et décréter l’urgence de ne pas devenir nous-même en urgence. 
Sereinement, construisons parti de la désocialisation.
Ni précarité, ni matraques, ni catastrophe écologique. Bref, nous ne voulons plus vivre ainsi.


LE MONDE OU RIEN

Cours annulés, manifs sauvages, tags, casse, lacrymos, gouvernement en stress, fac en grève. Quelque chose est en train de naître. «Nous» sommes en train de naître. Nommer ce qui est en train de naître du nom de ce qui l’a précédé, c’est tenter de le tuer. Ramener ce que nous avons vécu dans la rue mercredi dernier, ce qui bouillonne depuis des semaines, ramener la rage qui gronde partout à l’«ombre du CPE» et tous les laïus que nous avons entendus la semaine dernière, est une opération, une opération de neutralisation. Quel rapport y a-t-il entre le discours syndical et les potes lycéens qui taguaient mercredi dernier «le monde ou rien» avant de s’attaquer méthodiquement à des banques? Aucun. Ou juste une misérable tentative de récupération menée par des zombies. Jamais les organisations syndicales, jamais les politiques n’ont été si visiblement à la traîne d’un mouvement. S’ils sont si fébriles dans leur volonté de tout encadrer, c’est justement parce que tout pourrait bien leur échapper. Ce qui s’est passé est simple: une bande de youtubeurs ont additionné leurs like, ils ont parlé hors de tout encadrement, de toute «représentativité», ils ont appelé à descendre dans la rue; une femme qui ne représente qu’elle-même a lancé une pétition contre la loi travail; et parce que ce qui était dit sonnait juste, rencontrait un sentiment diffus, un écoeurement général, nous sommes descendus dans la rue, et nous étions nombreux. Les organisations ont suivi. Le risque de ne pas suivre était trop grand pour elles. Si elles ne le faisaient pas, leur mandat était caduc. Ceux qu’elles prétendent représenter auraient pris la rue sans elles, sans qu’elles puissent placer devant eux leurs banderoles de tête, sans qu’elles puissent sortir leurs gros ballons rouges, sans qu’elles puissent recouvrir nos voix de leurs mauvaises sonos, de leurs slogans grossiers, de leurs discours d’enterrement. Elles auraient été à poil. Les chefs ont donc suivi; comme toujours.

Il n’y a pas une loi qui pose problème, mais toute une société qui est au bout du rouleau

Nous sommes la jeunesse. Mais la jeunesse n’est pas la jeunesse, elle est plus qu’elle-même. Dans toute société, la jeunesse est l’image de l’élément disponible. La jeunesse est le symbole de la disponibilité générale. Les jeunes, ce n’est rien. Ce sont seulement ceux qui ne sont pas encore tenus. Tenus par un patron, tenus par des crédits, tenus par un CV. Tenus, et donc enchaînés, du moins tant que la machine sociale continue de fonctionner. Les discours médiatiques sur la menace d’un «mouvement de la jeunesse» visent à conjurer la menace réelle, et la menace réelle, c’est que l’ensemble de ce qui est disponible dans cette société, l’ensemble de ceux qui n’en peuvent plus de la vie qu’on leur fait vivre, l’ensemble de ceux qui voient bien que ce n’est pas juste cette loi qui pose problème, mais toute cette société qui est au bout du rouleau, s’agrège. S’agrège et prenne en masse. Car elle est innombrable, de nos jours, la masse des incrédules. Le mensonge social, la farce politique ne prennent plus. C’est cela, le gros problème qu’a ce gouvernement. Et pas juste lui: qui peut bien être assez con pour encore vouloir voter à gauche, à gauche de la gauche, à gauche de la gauche de la gauche, quand on voit ce que cela a donné en Grèce l’été dernier? Un gouvernement de gauche radical surtout dans l’application de l’austérité.

Eh les vieux! Vous n’avez pas été trahis, vous vous êtes juste laissés tromper

Eh, les vieux! Eh, nos vieux. Vous dites que vous vous sentez trahis. Que vous avez voté pour un parti de gauche, et que la politique menée ne correspond pas à vos attentes. Vous parlez de «reniement». Mais vous étiez où en 1983? Les années 80, les années fric, Tapie au gouvernement, Libé qui titre «Vive la crise!», ça ne vous dit rien? Nous, on n’était pas là, mais entre-temps, vos défaites sont devenues nos cours d’histoire. Et quand on les écoute, ces cours, on se dit que Macron ne fait que terminer le boulot commencé en 1983. C’est le même programme depuis lors. Il n’a pas changé. Vous n’avez pas été trahis. Vous vous êtes juste laissés tromper. Vous avez préféré cultiver vos illusions. Ce ne sont pas les actes des socialistes qui ont trahi leurs discours. Ce sont juste ces discours qui ont servi, à chaque élection, à vous enfumer pour pouvoir continuer à mettre en œuvre le même programme, pour poursuivre la même offensive. Une offensive de 35 ans, menée avec constance, sur tous les plans en même temps – économique, sécuritaire, social, culturel, existentiel, etc.

Cette loi, on n’en discutera pas

Ce qui est en train de naître, a peu à voir avec la loi travail. La loi travail, c’est juste le point de renversement. L’attaque de trop. Trop arrogante, trop flag, trop humiliante. La loi renseignement, la loi Macron, l’état d’urgence, la déchéance de nationalité, les lois antiterroristes, le projet de réforme pénale, la loi travail, tout cela fait système. C’est une seule entreprise de mise au pas de la population. La loi El Khomri, c’est juste la cerise sur le gâteau. C’est pour ça que ça réagit maintenant, et que ça n’a pas réagi sur la loi Macron. À la limite, si on descend dans la rue contre la loi travail, c’est pas parce qu’elle concerne le travail. C’est parce que la question du travail, c’est la question de l’emploi de la vie; et que le travail, tel que nous le voyons autour de nous, c’est juste la négation de la vie, la vie en version merde. On n’est plus dans les années 1960, vos Trentes Glorieuses, remettez-vous en, on ne les a jamais connues. Personne d’entre nous ne croit qu’il va se «réaliser» dans le taf. Ce dont on se défend maintenant, c’est que le peu de vie qui nous est laissé après le taf, en dehors du taf, ne soit réduit à néant. Le petit jeu des organisations syndicales et des partis pour limiter le terrain du conflit à la question de la loi travail, à la négociation avec le gouvernement, c’est seulement une façon de contenir notre désir de vivre, d’enfermer tout ce qui les excède dans la sphère étouffante de leurs petites intrigues. Syndicats et partis, pas besoin d’être devin pour voir, d’ores et déjà, qu’ils nous lâcheront en rase campagne au moment décisif. On leur en veut pas. C’est leur fonction. Par contre, ne nous demandez pas de leur faire confiance. C’est pas parce qu’on est jeune qu’on est né de la dernière pluie. Et puis arrêtez de nous bassiner avec vos vieux trucs qui marchent pas: la «massification», la «convergence des luttes» qui n’existent pas, les tours de paroles et le pseudo-féminisme qui vous servent juste à contrôler les AG, à monopoliser la parole, à répéter toujours le même discours. Franchement, c’est trop gros. La question, c’est pas celle de la massification, c’est celle de la justesse et de la détermination. Chacun sait que ce qui fait reculer un gouvernement, ce n’est pas le nombre de gens dans la rue, mais leur détermination. La seule chose qui fasse reculer un gouvernement, c’est le spectre du soulèvement, la possibilité d’une perte de contrôle totale. Même si on ne voulait que le retrait de la loi travail, il faudrait quand même viser l’insurrection: taper fort, se donner les moyens de tenir en respect la police, bloquer le fonctionnement normal de cette société, attaquer des cibles qui font trembler le gouvernement. La question de la «violence» est une fausse question. Ce qui est décrit dans les médias comme «violence» est vécu dans la rue comme détermination, comme rage, comme sérieux et comme jeu. Nous, c’est ça qu’on a éprouvé mercredi dernier, et qui a quelques raisons de faire flipper les gouvernants: il y avait du courage parmi nous, la peur s’était dissipée, on était sûrs de nous. Sûrs de vouloir marcher sur la tête de ceux qui nous gouvernent. Sur la tête de ceux qui, toute l’année, nous marchent sur la gueule.

Taper fort! Taper Juste!

Contrairement à ce que nous disent les apprentis bureaucrates de l’UNEF ou du NPA, taper fort n’est pas ce qui va nous «isoler des masses», si les cibles sont justes. C’est au contraire cela qui va faire que tous ceux qui sont à bout vont nous rejoindre; et ça fait du monde. La question que pose la loi travail, c’est la question de la politique menée par le PS depuis 35 ans, c’est de savoir si oui ou non ils vont pouvoir mener à terme leur campagne de plusieurs décennies. C’est aussi la question de la politique en général. Qu’un mouvement se lève à un an d’une campagne présidentielle, qui généralement impose le silence et l’attente à tous, en dit long sur la profonde indifférence, voire l’hostilité, qu’elle suscite déjà. Nous savons tous que les prochaines élections ne sont pas la solution, mais font partie du problème. Ce n’est pas par hasard que spontanément, mercredi dernier, les lycéens de Lyon ont cherché à atteindre le siège du PS, et se sont affrontés à la police pour frapper cet objectif. Et ce n’est pas par hasard que des sièges du PS à Paris et à Rouen a été défigurés. C’est cela que, de lui-même, le mouvement vise. Plutôt que de s’enferrer dans des négocations-piège à con, ce qu’il faut attaquer, partout en France, à partir de jeudi prochain, ce sont donc les sièges du PS. À Paris, il faut que ce soit la bataille de Solférino. Pour la suite, eh bien, on verra. Va falloir la jouer fine. Mais l’enjeu est colossal.
Ils reculent, attaquons!
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